Entre écomobilité et devoir de proximité
Espaces naturels n°39 - juillet 2012
Marc Maury
Directeur développement réseau, Fédération des conservatoires d’espaces naturels
L’écomobilité existe-t-elle ? N’est-ce pas le placebo d’une « dictature de la mobilité » ou encore un argument de bonne conscience face à la consommation grandissante des ressources naturelles ? Une véritable écomobilité ne nous impose-t-elle pas de changer une certaine conception du monde en nous invitant à une décroissance soutenable ?
Qui peut croire que l’on peut se déplacer toujours plus et loin, traverser le pays, le monde, sans engendrer le moindre coût environnemental ni avoir besoin d’infrastructures et d’équipements consommateurs de ressources naturelles et d’espaces ? L’écomobilité est à l’image de Stevenson et de son âne, elle doit se penser en termes d’économies d’énergie, d’équipement, de bruit et de stress, tout en prenant son temps et son plaisir.
Quel décalage avec ce que l’on observe aujourd’hui : à l’époque de la voiture reine, signe de reconnaissance sociale, symbole de liberté et d’autonomie, moteur de notre modèle économique. Dans une société de plus en plus individualiste mais qui prône l’usage des transports collectifs. À l’heure où un Français se déplace dix fois plus qu’il y a 50 ans. En constatant que le temps s’est imposé à la distance, puisque les gains de vitesse, de confort et de sécurité sont des invitations à se déplacer encore plus et loin. Cela ne revient-il pas à cautionner la course à la mobilité sous couvert de pseudo innocuité environnementale ? Les freins à l’écomobilité apparaissent donc sociétaux et politiques avant d’être techniques.
Alors, quelles pourraient-être les conditions d’une réelle écomobilité ? Le premier pas équitable pour tous vers l’éco-mobilité est de réduire ses déplacements choisis et subis. Cela suppose une proximité entre les lieux de vie, de travail, de service, de loisir ainsi qu’une offre de nature de proximité, comme le rêvait Robert Hainard en souhaitant : « chaque commune devrait avoir sa réserve toute proche et pas forcément très sauvage. » Il faut rompre avec le syndrome d’insularité des espaces naturels, repenser notre relation à la nature et notre dépendance à l’automobile.
L’écomobilité suppose alors un changement de paradigme. Elle doit interroger la société en profondeur et être pensée comme une alternative au modèle économique du 20e siècle pour ouvrir la voie vers une transition énergétique, environnementale, sociale et économique. S’il appartient à chacun d’adopter à son échelle et avec ses moyens des pratiques moins énergivores, cela relève aussi de choix politiques clairs en matière d’économie globale et d’aménagement du territoire. Cette question dépasse les seuls espaces naturels pour concerner tout le territoire et irriguer toutes les politiques publiques.
Il revient cependant aux gestionnaires d’espaces naturels d’être exemplaires en la matière et d’inciter leurs visiteurs et salariés à emprunter des voies et des modes de déplacement véritablement vertueux pour accéder auxdits espaces. Sur ce point, les convergences sont à étudier entre écomobilité, accessibilité aux espaces naturels et Trame verte et bleue. Si la question de l’accès aux espaces naturels se pose en termes de mobilité, c’est que nous sommes en train d’échouer. •