Ballons des Vosges

La fin de la navette des crêtes

 
Qui doit financer l’écodéplacement ?

Espaces naturels n°39 - juillet 2012

Le Dossier

Franck Bézannier
PNR Ballons des Vosges

 

Un bien pour un mal ? La fin de la navette a déclenché une prise de conscience sur la nécessité d’un renforcement de la coopération interrégionale entre les autorités organisatrices de transports, quitte à remettre en cause certains schémas inadaptés.

C’était pourtant bien parti… Pour pallier le risque de surfréquentation, notamment motorisée, qui aurait pu nuire à l’image de nature et de quiétude des Hautes-Vosges, et pour empêcher les dérives d’une offre touristique banalisée qui réduit l’attractivité du territoire, une navette d’autobus a été créée. En 2000, la navette des crêtes voyait le jour à titre expérimental.
Dix ans plus tard, l’expérience s’arrête pour des raisons économiques notamment.

Expérience. Le constat pourtant était sans appel : les crêtes des Vosges attirent de nombreux visiteurs. Une majeure partie est constituée d’habitants locaux : 4,5 millions de personnes habitent à moins de 2 h de route. Lors des belles journées, du printemps à l’automne, un flot de voitures circule sur la route des crêtes, avec les effets néfastes que l’on imagine sur la qualité de l’environnement du cœur du Parc naturel régional des ballons des Vosges.
Pour ces habitants des villes et agglomérations proches, dont les plus grandes sont Colmar, Mulhouse et Belfort, la Grande crête représente un espace de respiration où l’on vient randonner, s’évader, manger en ferme-auberge et admirer l’enchaînement des ballons, les vues lointaines sur les Alpes autrichiennes et suisses.
Aussi, fort de sa réflexion et de sa légitimité, le Syndicat mixte gestionnaire du parc met en place une navette destinée à limiter la circulation automobile. Il bénéficie pour cela d’une délégation de compétence des conseils généraux du Haut-Rhin et des Vosges pour gérer ce mode de transport en commun à vocation touristique.

Équilibre. Le service de navette, entre les vallées et la crête et sur la route des crêtes, est confié à la société de transport Kunegel, choisie notamment pour ses performances environnementales et la qualité du service proposé.
Jusqu’en 2010, le parc bénéficie d’un soutien financier à hauteur de 150 000 euros/an émanant de partenaires multiples dont l’État et l’Europe au travers de la convention interrégionale du massif des Vosges, les régions Alsace et Lorraine, le conseil général du Haut-Rhin, une douzaine de communautés de communes et deux villes portes.
Les ressources croissantes, dont la vente des billets (15 % des recettes), permettent le développement du système jusqu’à son optimal en 2008. En 2009, la fréquentation se stabilise autour de 10 000 billets distribués en 17 jours
de fonctionnement. Les ressources ne permettent pas de couvrir les frais de fonctionnement soit 153 890 euros et, pour la première fois, le parc connait un déficit d’exploitation de 6 193 euros qu’il doit couvrir sur son budget de fonctionnement.
L’augmentation du coût du service couplée à la réduction des subventions ont eu raison de la navette qui s’est arrêtée en septembre 2010.

Succès. D’un point de vue social, cette expérimentation est un succès indéniable : la population locale, certains maires et associations, réclament le retour de la navette des crêtes. Conscients de la nécessité de structurer un transport interdépartemental pour l’offre touristique du massif des Vosges, les départements des Vosges et du Haut-Rhin avec les partenaires historiques de la navette, coordonnés par le parc, travaillent actuellement d’arrache-pied au renforcement du réseau interdépartemental. Les acteurs du tourisme sont associés afin de proposer des produits de découverte des Hautes-Vosges sans voiture dès l’été 2012.

Conscience. Finalement, la fin de la navette a déclenché une prise de conscience collective sur la nécessité d’un renforcement de la coopération interrégionale entre les autorités organisatrices de transports (quitte à remettre en cause certains schémas de transport inadaptés). Cette prise en main par les autorités compétentes est la meilleure garantie possible pour pérenniser un système de transports à vocation touristique dans le massif des Vosges. •