Écomoblité

Mais de quoi parle-t-on ?

 

Espaces naturels n°39 - juillet 2012

Le Dossier

Nicolas Mercat
Co-fondateur d’Altermodal/Inddigo. Chef de projet expert

Ecomobilité, mobilité douce, mobilités actives, covoiturage, autopartage, multimodalités, intermodalités, les terminologies fleurissent et les questions subsistent. Ainsi, les transports en commun sont-ils vraiment écomobiles ? Un bus de 50 places consomme plus de 40 l/100 km en milieu urbain et 25 l en interurbain faiblement rempli. Il peut avoir un bilan environnemental nettement plus mauvais qu’un conducteur seul au volant de son 4x4. Compte tenu des consommations des véhicules en accès aux lignes de transport, des taux d’occupation parfois faibles en bout de ligne, un réseau urbain de transport d’une ville moyenne a une consommation de 4 à 5 l/100 km par voyageur. Hors transport scolaire, des lignes interurbaines à faible fréquentation peuvent avoir des consommations de plus de 10 à 15 l/100 km par voyageur. Un TER au mazout peu fréquenté est potentiellement autant catastrophique. De même, le transport à la demande, individuel, nécessitant un aller à vide garde une faible efficacité énergétique et économique à un coût moyen supérieur à 3 €/km. Bien d’autres raisons, notamment sociales, peuvent justifier ces choix mais la pertinence écomobile des transports en commun n’est réelle que sur des flux suffisamment massifiés : un car plein consomme moins de 0,5 l/100 km par voyageur en interurbain. Et les voitures individuelles ? Les déplacements de loisirs de plus de 50 km (2,5 personnes) et les déplacements touristiques (2,3 personnes) ont une performance de l’ordre de 2,5 l/100 km par voyageur. A contrario, dans les déplacements domicile-travail, le taux d’occupation stagne à moins de 1,05 : 95 % des automobilistes sont seuls dans leur voiture. Le covoiturage, défini comme l’utilisation conjointe et préalablement organisée de la voiture (au contraire de notre bon vieux stop), peut être une solution pertinente d’un point de vue écomobile, économiquement très efficace et rapide à mettre en œuvre. Mais si celui-ci est fortement utilisé par les jeunes dans les déplacements longs, son développement dans les déplacements domicile-travail demande un important travail d’animation pour vaincre les freins psychologiques. Les résultats sont pourtant là : en l’espace d’un an, des zones d’activités entières sont passées de 3 à 15 % de pratiquants. Le « stop participatif » consiste à mettre en place des lignes avec des arrêts visibles et un kit de covoiturage (badges, ardoise…) sécurisant la relation, avec une participation du stoppeur aux frais de déplacement. Solution simple et efficace pour des déplacements de 10 à 20 km sur des itinéraires fréquentés. Reste aussi le principe de l’autopartage (car sharing). Une institution ou plusieurs individus mettent des véhicules à disposition de ses membres. À première vue, l’autopartage reste une forme d’utilisation de la voiture et ne peut donc être classé dans les écomobilités. Les enquêtes réalisées auprès des membres montrent pourtant que le basculement de la voiture individuelle vers l’autopartage tend à supprimer l’utilisation réflexe de la voiture et à diminuer son utilisation finale. Et nos fameux « modes doux » ? Le terme renvoie aux modes à propulsion humaine, principalement la marche, le vélo, mais aussi le roller, la trottinette. Cette terminologie peu dynamique a le tort d’oublier la référence à un des enjeux majeurs de la mobilité des années à venir, la santé publique. En l’espace d’un siècle, le niveau d’activité physique de la population a été divisé par 10, entraînant des pathologies clairement liées à la sous-activité. Le terme de « modes actifs » rend bien mieux compte de ces enjeux. •