Réhabilitation des pelouses sèches

Comment associer et convaincre les éleveurs

 

Espaces naturels n°1 - janvier 2003

Le Dossier

Jean-Paul Chassany
INRA Montpellier Capucine Crosnier
PNC
 

Les ligneux se liguent contre le Causse Méjan. En 40 ans, buis et pins ont embroussaillé un tiers des vastes étendues de ce plateau karstique perché à 1 000 m d’altitude. Ils envahissent progressivement son paysage de pelouses et modifient dangereusement habitats naturels et biodiversité.
Constatant que l’activité pastorale est au centre de la construction paysagère du Causse, l’équipe de recherche étudie les interactions entre végétation et modes de pâturage. L’idée est que si les éleveurs modifient leurs itinéraires techniques, il est possible de recréer les conditions favorables à une expansion des pelouses.
Mais accepteront-ils de modifier leurs pratiques professionnelles ? Rien de moins sûr. Aussi, pour mener ce qui apparaît bien comme une négociation, les chercheurs ont conçu une méthodologie en trois étapes :
n En premier lieu, écouter et comprendre. Des séries de photos furent utilisées pour tester les modes de perception des différents paysages par les éleveurs. Ils choisirent d’abord les pelouses nues, en relevant leur aspect utilitaire pour l’élevage, mais sans rejeter un parcours d’été plus ombragé.
n En second lieu, écouter, analyser les représentations et l’image que l’éleveur a de lui-même. Ces représentations jouent un grand rôle dans sa stratégie de gestion du territoire et d’exploitation des ressources fourragères. Les éventuels changements de pratiques ne peuvent donc se faire à leur encontre. Il faut, au contraire, s’appuyer sur l’existant pour construire un protocole agropastoral proposant des modifications « faisables » et au service de la durabilité de l’exploitation.
n En troisième lieu, proposer des scénarios. Les pratiques des éleveurs sont diversifiées, elles tiennent compte des contraintes du marché, du foncier, des charges de travail, de la main-d’œuvre disponible et du savoir-faire. Cette complexité risque de brouiller les cartes et de déboucher sur une négociation difficile. D’où l’idée de présenter des scénarios de gestion en fonction des différentes stratégies possibles pour les éleveurs. Simples et concrets, les scénarios facilitent l’entrée en négociation et offrent des bases de discussion explicites.
Avec pour objectif initial de mettre en œuvre des pratiques agropastorales plus écologiques, ce travail repose sur le respect des cultures professionnelles des éleveurs. Une approche qui mériterait d’être transférée à bien des négociations.