Mécanisation

Comment faire le lien entre gestionnaire et recherche appliquée ?

 

Espaces naturels n°60 - octobre 2017

Le Dossier

Christian Ringot, Eden62

Adopter une stratégie de gestion comprenant des modes d'entretien des milieux, c'est une chose. Mettre en oeuvre les actions avec du matériel efficace et peu impactant, c'en est une autre. Eden62 a expérimenté la collaboration avec une entreprise pour travailler à un prototype adapté, le MD Track 250.

Premiers travaux en situation réelle avec Eden62.

UNE MACHINE SUR-MESURE, C'EST VRAIMENT RAISONNABLE ?

Concevoir une machine spécifique pour entretenir certains milieux d'espaces naturels peut paraître disproportionné. Mais dans le cas d'Eden62, l'aventure a pu commencer car les besoins étaient particulièrement conséquents. Le département du Pas-de-Calais connaît des pressions fortes sur la biodiversité. Les gestionnaires luttent contre la fermeture des milieux, quand c'est possible, par la restauration du pâturage (bovin, équin, ovin). Mais cette gestion demande à être complétée d’actions mécaniques. Les travaux de fauche ou de débroussaillement sont très conséquents : entretenir 30 km de lisières de forêt déjà restaurés, exporter régulièrement la matière de dizaines d'hectares de marais, dunes, pelouses calcicoles.

On ne se lance pas dans un tel projet sans prendre la mesure des coûts. Il est clair que l'entreprise ne vendra pas des centaines d'exemplaires de la machine. Son coût sera donc important. Il faut d'abord souligner qu'un financement Feder a été obtenu. Ensuite, Eden62 a fait le calcul suivant : l'investissement de départ est conséquent (350 000 € TTC pour la machine avec les deux broyeurs et 10 000 € d'entretien annuel) ; il faut considérer cependant un amortissement tout à fait raisonnable à la condition d'une surface à traiter conséquente. Exemple : une prestation fauchage d'ourlet a un coût moyen de 4 000 € TTC/ha (exportation par l'entreprise) ou un débroussaillement de manteau arbustif a un coût moyen de 8 000 € TTC/ha. Pour 80 ha par an, on obtient une durée d'amortissement très correcte de trois à quatre ans. Une collaboration entre gestionnaires sur un territoire peut également être envisagée de manière à diminuer l'investissement.

QU'A-T-ELLE DE SI SPÉCIAL CETTE MACHINE ?

Eden62 s'est donc lancé dans le projet de développement du MD Track 250 avec l'entreprise Sylvinov. Elle fournit traditionnellement le monde forestier, mais cherche à diversifier son activité vers la biomasse et l'exportation de matière, notamment en zones sensibles. Les contraintes classiques des espaces naturels sont : la faible portance, la capacité de broyer des diamètres jusqu'à 10 cm, exportation dans des conditions d'accès difficile, température extérieure...

Sylvinov travaille sur le broyage avec exportation depuis 2009, en collaboration avec d'autres sociétés pour tester la bonne combinaison de chenillard, broyeuse et autre ensileuse. Suite à des essais de différents matériels, un cahier des charges a été défini, permettant de créer le prototype du MD Track 250 en 2014. Grâce à l'expérience des participants au groupe de travail, le cahier des charges était bien défini et la première machine s'est révélée parfaitement adaptée (voir ses caractéristiques dans l'encadré ci-contre). Le travail a alors porté sur des améliorations secondaires : choix des flexibles hydrauliques, renforcement de l'essieu avant...

Pour le gestionnaire, le broyat est utilisé sur place pour le renforcement des chemins ou mis en tas pour la faune...

L'utilisation de la machine a des avantages et des inconvénients dont il faut rester conscient. Outre l'investissement conséquent, la necessité de rentabiliser pose la question d'une homogénéisation possible de certains habitats. Par ailleurs, le broyage direct occasionne un impact non négligeable sur la microfaune en période d'activité. Par contre, une meilleure exportation est indéniablement un atout (voir article "Intérêts de la faune exportatrice"), d'autant qu'il est corrélé à une faible portance. Seule cette mécanisation puissante permet d'envisager la restauration d'habitats dégradés difficile à envisager manuellement. Par ailleurs la vitesse d'exécution permet de minimiser le dérangement.

Eden62 a fait l'acquisition, dans le cadre du financement Feder, de deux broyeurs, l'un pour la fauche, l'autre pour le débroussaillement. Un binôme de techniciens titulaires de permis poids lourd a été mis en place pour le déplacer sur les chantiers. Ils bénéficieront d'un temps de formation chez Sylvinov.