Coopérer avec les agriculteurs, s’intéresser à leurs besoins
Espaces naturels n°60 - octobre 2017
Claire François, Adasea du Gers, claire.francois@adasea.ne
Pour préserver les rôles fonctionnels des Prairies naturelles inondables (PNI), il fallait pérenniser leur place dans le territoire, et donc impliquer les agriculteurs. Deux vallées du Gers ont ainsi mis en place une démarche de valorisation pour en encourager l'entretien, synonyme de préservation des milieux.
Malgré les diagnostics, les conseils de gestion, l'animation foncière et les Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), il est difficile d'inverser la tendance : les prairies naturelles inondables continuent à disparaître en parallèle d’une régression conséquente de l’élevage herbager. L’Association de développement d’aménagement et de services en environnement et en agriculture du Gers (Adasea32) oeuvre depuis 2003 en tant que Cellule d’assistance technique aux zones humides du Gers (CATZH32) pour la préservation des zones humides grâce au soutien de l’Agence de l’eau Adour-Garonne de la région Occitanie et de l'Europe.
PRODUIRE POUR GÉRER OU GÉRER POUR PRODUIRE ?
Ces prairies ne peuvent exister sans être fauchées ni pâturées, ce qui implique un entretien agricole, et aussi une production de foin qui peut être valorisée. L'Adasea a cherché à comprendre les motivations et les freins des agriculteurs dans la gestion de ces milieux, pour apporter des réponses adaptées à leurs problématiques. Très rapidement, il est apparu que chaque agriculteur, en fonction de sa situation (éleveur ou céréalier), de la localisation de sa prairie et de sa propre expérience, a une vision personnelle de cet espace. Les motivations économique et agronomique sont souvent couplées à un attachement émotionnel lié aux rôles environnementaux et paysagers des prairies.
Dans le même temps, les agriculteurs rencontrent une difficulté grandissante à valoriser régulièrement et durablement ces prairies et ils se désintéressent peu à peu de ces espaces, dont ils se sentent responsables sans en tirer de reconnaissance. Le défi est donc de répondre à la demande d’un public varié, composé à la fois d’éleveurs et de céréaliers, gestionnaires de prairies très hétérogènes, et aux intérêts très divers quant à leur prairie. L’objectif de proposer différentes voies de valorisation a ainsi vu le jour afin d’intégrer la prairie inondable dans chaque système d’exploitation. En complément d’une étude de marché exploratoire, L'Adasea a rassemblé à plusieurs reprises un groupe d’agriculteurs du territoire pour échanger sur les perspectives de valorisation des PNI. Plusieurs pistes ont émergé.
CONNAÎTRE LA QUALITÉ FOURRAGÈRE DES PRAIRIES
Que ce soit pour faciliter la valorisation du fourrage dans un système d’élevage ou pour faciliter la commercialisation du foin, il est indispensable que les agriculteurs puissent identifier et définir précisément les qualités fourragères de leur prairie. Améliorer les connaissances sur les prairies naturelles du territoire, c’est aussi permettre à terme de stabiliser la qualité des produits pour créer une image de marque collective à travers une gestion agro-écologique adaptée.
FAVORISER LA VALORISATION DU FOIN PAR L'ÉLEVAGE LOCAL
Tous les agriculteurs, céréaliers comme éleveurs, s’accordent à dire que le fourrage produit localement doit répondre en priorité aux besoins locaux. L'élevage est donc la première voie de valorisation des prairies naturelles inondables à privilégier. Des solutions techniques doivent être apportées pour accompagner les éleveurs dans l'intégration de ces prairies particulières dans leur système d'exploitation, et pour aider les polyculteurs à produire un fourrage de qualité répondant aux exigences des éleveurs. En parallèle, des outils innovants sont à développer pour favoriser la mutualisation, les échanges et les ventes localement.
ÉVALUER LE POTENTIEL ÉNERGÉTIQUE DE LA RESSOURCE
La qualité du fourrage des prairies naturelles inondables évolue en fonction des pratiques de gestion. Ainsi, sur certaines prairies peu ou mal entretenues, le foin ne peut être consommé par des animaux (trop d’espèces indésirables, peu d’appétence).
De plus, les inondations occasionnelles de printemps peuvent entraîner une dégradation de la qualité du produit. Deux types de tests de valorisation énergétique sont prévus pour cette biomasse inexploitée : dans les méthaniseurs du territoire, et dans des granulés de bois pour des chaudières à biomasse.
VENDRE ET COMMUNIQUER AUPRÈS DU GRAND PUBLIC
Aux pertes économiques liées à une mauvaise valorisation, s'ajoute un manque de reconnaissance du travail des agriculteurs. Cibler une vente au grand public et promouvoir avec les collectivités ces prairies, partie intégrante du paysage, sont des leviers pour redonner de la valeur aux actions des agriculteurs. Pour répondre au marché des jardineries et des animaleries, des solutions techniques et commerciales doivent être évaluées pour innover dans un secteur peu occupé par la production française. De même, la communication avec le grand public doit être réinventée pour sensibiliser à la place et aux rôles des prairies.
La préparation d’un Groupe opérationnel, format de groupement soutenu par le partenariat européen pour l’innovation et mis en place dans certains programmes de développement rural régional, permet d’envisager un programme d’actions pluriannuel sur ces quatre thématiques, rendu possible grâce aux partenariats entre l’Adasea, la chambre d’agriculture du Gers, l’Inra de Toulouse, un organisme de certification et un organisme de formation local. Pour autant dans ce projet, ce sont l’implication des agriculteurs et l’intégration de leurs problématiques dans cet enjeu de préservation environnementale qui permettent aujourd’hui d’imaginer des solutions plus durables pour les prairies inondables.