S'associer pour valoriser
Espaces naturels n°60 - octobre 2017
Christophe Evrard, chargé du développement, c.evrard@agriopale.fr
Parfois c'est le gestionnaire qui cherche un débouché pour les produits issus des actions de gestion. Parfois c'est une entreprise qui sollicite des gestionnaires pour élargir ses fournisseurs. Ce fût le cas pour Agriopale et ses partenaires, dans le Pas-de-Calais, dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt auprès de l'Ademe.
Trouver des synergies, c'est le but des appels à manifestation d'intérêt. En lançant Dynamic Bois 2015, l'Ademe voulait encourager des projets allant dans le sens du développement durable autour de la biomasse. Le projet monté par Agriopale, une entreprise du Pas-de-Calais, a le mérite d'être pensé à l'échelle du territoire, en prenant en compte les intérêts de chacun des partenaires. Du côté économique, Agriopale cherchait à diversifier et sécuriser ses sources d'approvisionnement, à mobiliser des ressources ligneuses non exploitées. Parmi les solutions possibles, les produits issus de l'entretien des espaces naturels semblent une bonne solution, d'autant que les gestionnaires (PNR Caps et marais d'Opale et Eden62) ont recours à des prestataires pour ces actions.
C'est donc un véritable écosystème économique qui est pensé : d’un côté des entreprises locales relèvent le pari d’investir dans du matériel et des infrastructures capables de mobiliser, préparer et stocker de la biomasse, qui sera valorisée dans des chaufferies du territoire.
De l’autre, des gestionnaires de milieux, à la recherche de matériel adapté pour exporter la biomasse et la valoriser dans des filières vertueuses. Cela paraît logique et facile, sur le papier. Mais cela nécessite, en pratique, une collaboration étroite et de nombreux ajustements.
ADAPTER LES PROCÉDÉS
D'abord du côté des entreprises, pour bénéficier de ces nouvelles sources de biomasse, il fallait adapter les procédés, voire les matériels. Agriopale a identifié quatre sources de biomasse exploitables, dont deux concernent les gestionnaires d'espaces naturels : les déchets végétaux collectés en déchetteries, les actions de gestion du PNR pour préserver le bocage, l'entretien des milieux gérés par Eden62, les forêts privées. Ces quatre sources ont des périodes de production et des caractéristiques physiques différentes (granulométrie, humidité, etc.). Il est donc envisagé de réaliser des mélanges pour proposer des mix combustibles réguliers aux chaufferies. Le flux existant étant déjà conséquent, l'écoulement des nouveaux produits a pu être envisagé en s'intégrant petit à petit sans perturber l'équilibre des produits.
Ces nouvelles sources de bois-énergie sont additionnelles. Elles n'entrent pas en concurrence avec les autres utilisations du bois. Au total, le volume attendu venant des espaces naturels était de 4 500 tonnes par an. La montée en puissance durant les deux premières années du programme semble permettre d’atteindre le niveau de mobilisation attendu, voire de le dépasser dès la troisième année.
CONTRAINTES DES ESPACES NATURELS ET APPORTS
Du côté des espaces naturels, l'intérêt est double : se faciliter la tâche pour réaliser les travaux, participer à la filière vertueuse du bois-énergie. Comme tout PNR, le PNR Caps et marais d'Opale porte des objectifs de développement durable, notamment concernant l'énergie. Le développement de la filière bois, avec du bois issu du bocage, fait partie des actions engagées, en particulier avec de l'animation de terrain auprès des agriculteurs. L'enjeu principal identifié par le PNR était de développer l'exploitation du bocage pour alimenter des chaufferies plus importantes. Mais il rencontrait plusieurs obstacles : la saisonnalité de la ressource, la technicité des opérations pour rendre les produits utilisables, la nécessité de coordonner les actions (chantiers, livraisons…).
Le projet Dynamic Bois comprenait le financement de l'affectation d'un chargé de mission du PNR à l'animation de terrain. Son rôle est d’animer le territoire pour susciter de la mobilisation de ressource supplémentaire et l’essor de nouvelles installations de combustion. Le développement et la structuration d’une filière bois-énergie se fait sur un temps long et semble aujourd’hui porter ses fruits. Agriopale disposait déjà d'une partie du matériel répondant aux besoins techniques et a étoffé son parc afin de garantir des possibilités d'exploitation en conditions difficiles (accessibilité).
Pour le PNR, accentuer l'entretien du bocage, c'est défendre des habitats et des espèces inféodées à ces espaces, mais c'est aussi protéger un réseau de haies qui participent de l'identité paysagère du territoire. Par ailleurs, les haies jouent un rôle important dans la gestion de l'eau, notamment dans la lutte contre l'érosion des sols. Ainsi des analyses environnementales ont été prévues pour exclure les linéaires de haies présentant un fort intérêt écologique ou paysager. Deux autres PNR présents sur le territoire pourraient à terme s'intégrer au projet car ils sont également marqués par un maillage bocager.
Concernant les opportunités de valoriser la biomasse issue de l'entretien des zones naturelles sensibles, il s'agissait de s'appuyer sur les implantations existantes d'Agriopale. Dans la partie ouest des Hauts-de-France, l'interlocuteur incontournable était Eden62, gestionnaires des espaces naturels du département. Là encore, le projet s'inscrit pleinement dans les objectifs de gestion, en particulier ceux de reconquête de certains espaces. En tant que coordinateur des interventions d'entretiens et de suivi des travaux dans ces espaces, Eden62 a recours à des prestataires extérieurs. Sa vocation de protection de la biodiversité le pousse, bien évidemment, à rechercher des entreprises qui utilisent du matériel respectueux des milieux, et capables d'exporter la matière issue des débroussaillages, de l'entretien des lisières, de la restauration des marais… L'appel à manifestation d'intérêt prévoyait ce type de matériel, adapté aux conditions difficiles : déclivité, sélectivité, terrains meubles.
Les chaufferies approvisionnées sont de trois types :
• des chaufferies de collectivités, destinées à chauffer des équipements publics : piscines, EHPAD, bâtiments communaux, etc ;
• des chaufferies industrielles, fournissant de la vapeur ou de l’eau chaude dans des procédés industriels ;
• des chaufferies domestiques, alimentant en chaleur un groupe de maison, un élevage ou un petit réseau de chaleur.
Aujourd’hui, l’amortissement du matériel ne dépend pas uniquement des travaux confiés par les gestionnaires. Le réseau de clients s’est considérablement étoffé. Cependant, l’identification sur les trois ou quatre premières années des travaux à réaliser sur les espaces gérés par Eden62 ou le PNR a permis à Agriopale de franchir le pas de l’investissement.