Écailles

Connaître l’âge des poissons grâce à la scalimétrie

 
Méthodes - Techniques

Comment connaître l’âge des poissons et des reptiles ? À partir des stries de croissance de leurs écailles, avec la scalimétrie. Comme on détermine l’âge d’un arbre avec la dendrochronologie...

Une femelle Perche soleil (Lepomis gibbosus) de 8,5 cm âgee de 2 ans (estimation réalisée grâce à l'étude scalimétrique).

Une femelle Perche soleil (Lepomis gibbosus) de 8,5 cm âgee de 2 ans (estimation réalisée grâce à l'étude scalimétrique).

Pareillement aux arbres qui marquent les saisons dans leurs cernes de croissance, les écailles des poissons grandissent par adjonction de couches concentriques. Un ralentissement biologique (hiver) se traduit par un ralentissement de croissance, avec des stries relativement plus étroites. Ainsi, grâce à une observation microscopique, il est possible de déterminer l’âge des poissons ou même la vitesse de croissance, sans méthode létale, en prélevant des écailles. Éthiquement, la méthode n’implique pas la mort et est intéressante par rapport à l’étude des otolithes1. Mais les poissons ressentant probablement la douleur, il faut effectuer ces prélèvements avec parcimonie.
Pour faciliter l’observation, il est conseillé de prélever les écailles les plus larges de l’espèce, repérer les stries de croissance et marques annuelles ou « annuli », et compter. Lors d'une étude, il est préférable de prélever les écailles sur le flanc, toujours au même endroit (faisant abstraction des zones de blessure) pour assurer la comparabilité. Des comparaisons sont parfois disponibles en ligne, elles sont fort utiles2.
L’image publiée présente une Perche soleil, Lepomis gibbosus, bien connue de la plupart des gestionnaires de milieux dulçaquicoles. Ce poisson ubiquiste d’origine nord-américaine n’est pas considéré comme espèce envahissante dans les pays les plus au nord de l’Europe, car l’espèce y est moins prolifique qu’au sud. Par exemple, le poisson est considéré comme envahissant en Espagne, mais pas en Angleterre. En France, zone intermédiaire, certaines populations le sont, mais pas d’autres. Si les femelles grandissent vite et sont matures tôt, la population est prolifique (donc potentiellement envahissante).
La Réserve naturelle nationale du Pinail est une zone humide avec plusieurs milliers de mares d’intérêt majeur pour la conservation d’espèces d’eau douce de la Vienne (Nouvelle-Aquitaine). Or la Perche soleil introduite par l’homme y est présente dans près de 20 % des mares et a un impact sur les amphibiens. Dans certaines mares, elle a le potentiel envahissant et selon les mares, la perche est en présence ou non de prédateurs. On a donc étudié ces poissons et leur potentiel envahissant en déterminant, grâce à la scalimétrie, leur vitesse de croissance et l’âge de leur maturité sexuelle. Sur la photographie présentée, on peut voir une femelle située dans une mare fréquentée par le brochet. Âgée de deux ans, elle mesure déjà 8,5 cm et est mature sexuellement, alors que sans la présence de ce prédateur, les femelles en surpopulation mettent trois ans de plus pour être fertiles et atteindre la même taille. La scalimétrie peut donc mettre en évidence le rôle structurant d’un prédateur comme le brochet dans les mares.
 

(1) Les otolithes sont des concrétions minérales de l'oreille interne des vertébrés fréquemment utilisés pour mesurer l'âge des poissons.
(2) On peut pour cela effectuer une recherche en tapant « scalimetry + nom d’espèce ».