Dérogation sur les espèces protégées : contrôler la compensation

 
Droit - Police de la nature

François Gabillard
Dreal Nord-Pasde-Calais

 

La doctrine « ERC » (éviter, réduire, compenser), tout le monde connaît. Oui, mais quel est son « visage juridique » ? Comment les dérogations pour destruction d’espèces protégées sont-elles contrôlées ? Réponse dans le Nord-Pas-de-Calais.

Linaire couchée au bord d'une voie ferrée. © Dreal Nord-Pas-de-Calais

En matière de compensation, tout commence avec un arrêté préfectoral de dérogation : lorsque l'évitement n'est pas possible, et que le projet est autorisé, cet arrêté fixe les conditions de destruction des spécimens protégés et des habitats. Il définit les limites des impacts tolérés, les moyens de compensation proportionnés et les modalités d’évaluation. Ces mesures sont proposées par le porteur de projet et analysées dans le cadre d’un travail réalisé en relation étroite avec les experts naturalistes et écologues.

Ensuite, lorsque le projet a été réalisé, l'administration a depuis juillet 2013 la possibilité de contrôler le respect du contenu de l'autorisation, et de mettre en oeuvre des outils de police administrative et judiciaire en cas d'irrégularité. Afin d'assurer la crédibilité de la procédure et de répondre aux enjeux de biodiversité dans la région, la Dreal Nord- Pas-de-Calais a systématisé en 2014 le contrôle des mesures compensatoires prescrites dans les arrêtés de dérogation. Les agents assurent donc un suivi de ces mesures. Retour d'expérience et leçons tirées.

Tout d'abord, le contrôle dépend de la précision de l'arrêté : celui-ci doit être détaillé (opérations à mener, moyens à mettre en oeuvre, calendrier etc.) pour permettre un contrôle efficient. Ainsi, surfaces, cartographies et références cadastrales permettent de vérifier l’exactitude des parcelles faisant l’objet d’une gestion conservatoire.

Deuxièmement, le contrôle aide à assurer le suivi des mesures prescrites. Il sert d'accompagnement technique du dossier. Cet accompagnement s’exerce dans l’action de police et dans la participation à des comités de suivi, dans le cas des mesures compensatoires complexes. Au final, le contrôle s'inscrit dans la continuité de l'instruction du dossier. Ensuite, le contrôle aide à l'instruction des futurs dossiers. Le contrôle in situ permet en effet de constater la performance d'une mesure prescrite dans l'arrêté. Il complète donc la lecture du rapport annuel transmis par le bénéficiaire de la dérogation, et permet aux agents instructeurs de mieux estimer la robustesse des mesures qui seront proposées dans d'autres dossiers.
Par exemple, des aménagements du Grand Port maritime de Dunkerque ont nécessité une autorisation de destruction de deux espèces végétales dunaires (Sagine noueuse et Gnaphale jaunâtre). Le contrôle de cette autorisation a montré que la solution préconisée d'aménagement de mares temporaires comme milieu de substitution pour ces deux espèces nécessitait une gestion, car elles résistaient mal aux végétaux compétitifs qui colonisent les mares.
Autre cas : dans le cadre de la modernisation de la voie ferrée entre Calais et Dunkerque, la Linaire couchée, végétal protégé en Nord Pas-de-Calais, a fait l’objet d’expérimentations en partenariat avec Réseau Ferré de France (SNCF Réseau depuis le 1er janvier 2015) pour définir une gestion pertinente.

En effet, cette plante se plaît dans le ballast ferroviaire et en supporte les contraintes d’entretien. Son statut de protection amène ainsi à favoriser sa réimplantation et son développement dans un contexte très artificiel, avec l’aménagement, dans les emprises ferroviaires et aux abords directs de la voie renouvelée, de zones de compensation constituées de ballast neuf, de ballast usagé et de sable.
Enfin, une politique de contrôle aide à conserver la mémoire des arrêtés de dérogation et de leurs mesures compensatoires qu’aucun nouveau projet ne doit mettre en cause. La rédaction d'un compte-rendu permet de garder une trace. La base de données ONAGRE, en cours de déploiement par le ministère en charge de l’écologie, devrait contribuer à rassembler ces informations sur les procédure depuis le contenu du dossier de demande jusqu’aux contrôles.