>>> Parc national de La Réunion

Encadrer la gestion par un texte fondateur

 
Faire du « caractère » un texte juridiquement opposable

Espaces naturels n°27 - juillet 2009

Le Dossier

Marylène Hoarau
Directrice adjointe du Parc national de La Réunion

 

Donner du sens au territoire, asseoir les décisions du parc sur le caractère des lieux, afin qu'elles soient juridiquement inattaquables et opposables, telle était l'ambition portée par les initiateurs du Parc national de La Réunion.

Le 6 mars 2007, le Parc national de La Réunion est créé et, avant cette date, toutes les étapes ont été facilitées par la conviction d’être réunis autour d’un élément fédérateur : un patrimoine exceptionnel, dont certaines facettes restent à révéler. Même les rares opposants au projet ont exprimé leur attachement à ce patrimoine.
C’est dans ce contexte que la tentative de définition officielle du caractère du cœur du parc national a été élaborée et proposée afin d’être intégrée dans le décret de classement. Quelques phrases et quatre items devenaient un socle fondateur, pour une île en quête d’identité.
Ainsi on peut lire « Le cœur du Parc national de La Réunion présente les caractères principaux suivants :
1° Un ensemble exceptionnel, étagé en altitude, d’écosystèmes non perturbés, notamment forestiers, représentatifs des Mascareignes, marqué par sa dimension, une grande diversité des habitats et des espèces, ainsi qu’un fort taux d’endémisme.
2° Des paysages naturels grandioses, façonnés par une activité volcanique et par des processus érosifs vigoureux.
3° Un paysage culturel, comprenant dans les cirques des îlets isolés et sans desserte routière, façonnés et occupés par l’homme.
4° Une surface représentant une proportion très importante de l’île, supposant le recours possible aux dispositions du I de l’article L. 331-15 du code de l’environnement. »
Cette rédaction a finalement été retirée du décret de création. Sur recommandation du Conseil d’État, le gouvernement ne l’a pas retenue comme fondement pérenne. Cet article a été renvoyé à la charte qui traduit, elle, le projet périodique de l’établissement public (dix ans pour l’outre-mer).
La définition du caractère dans les textes officiels avait cependant une visée précise : donner du poids à ce texte. S’entendre sur un socle hiérarchisé de valeurs communes, pour inspirer les futures décisions de gestion dans la protection (avis, autorisations, subventions). L’affichage de ce socle rendant plus lisible, plus prévisible, plus compréhensible la politique du parc national.
Aujourd’hui, le chantier d’élaboration de la charte est officiellement ouvert depuis mai 2008. Il s’appuie sur cette définition : un texte concis déjà validé (à travers le dossier d’enquête publique ayant précédé la création du parc). Il inspire un projet de territoire global reliant cœur et aire d’adhésion.

Explication de texte. À l’heure où la communauté scientifique internationale mais aussi les acteurs du Grenelle de l’Environnement ont fait émerger le problème des espèces exotiques envahissantes comme une préoccupation majeure, la mention dans le premier alinéa « d’écosystèmes non perturbés » comme élément du caractère est fondamentale. Les autorisations que délivrera ou refusera le parc pour toute intervention dans le cœur devront être motivées et viser les éventuels risques de perturbation de l’écosystème en cause, s’appuyant sur un point zéro, établi par les scientifiques.
En effet, dans le cœur du parc, les cibles patrimoniales naturelles ayant justifié le classement du territoire ont été identifiées. Leur description fine, leur localisation précise, préalables à la définition d’objectifs de gestion et des modalités d’application de la réglementation, puis d’outils de suivi et d’évaluation de la charte, ne feront que compléter et illustrer la définition de base.
Le second alinéa parle, lui, de paysages naturels grandioses. Or, si certains descripteurs sont mesurables (diversité, nombre d’espèces endémiques, surfaces occupées par les habitats, nombre d’occupants des îlets…) ou indiscutables (gradient altitudinal, sans desserte routière…), d’autres, tel le caractère grandiose d’un paysage, sont au contraire sujets à interprétation. La charte pourra donc puiser dans le riche dossier de candidature présenté par La Réunion pour le classement de ses pitons, cirques et remparts au patrimoine mondial pour affiner cette notion subjective, voire la faire évoluer vers une description plus objective (dénivelés, présence d’une chaîne de pitons…).
L’alinéa trois évoque les îlets isolés. Il est alors évident que leur classement lié à l’absence de route interdit toute possibilité future d’équipement de ce type dans le cirque de Mafate.

Cœur du parc et aire d’adhésion. Cette définition s’applique au cœur du parc ; elle ne peut suffire pour l’aire d’adhésion. Cette île, soumise à une forte pression démographique, traduite par des besoins croissants en espace, présente des visages très hétérogènes. La mission de création du parc national avait proposé de « limiter l’aire d’adhésion aux […] territoires constitués des paysages naturels et ruraux des Hauts présentant un lien de solidarité écologique et sociale avec le cœur ». Or, la limite retenue englobe des zones à caractère quasi urbain.
À l’occasion de l’élaboration de la charte, le débat a donc été réouvert et le recours à une carte de vocation des sols devrait permettre de cerner les territoires agricoles et les secteurs d’habitat rural.
La définition du modèle de ruralité réunionnaise est un nouveau chantier. Il devra laisser la place aux facultés d’adaptation et d’évolution que la société des Hauts a toujours su développer.