Un estuaire et des hommes
C’est suite à une demande des acteurs locaux que la démarche de bassin versant de la rivière de Pénerf a démarré en 2002. La reconquête de la qualité de l'eau de l'estuaire s'est faite collectivement.
Un estuaire est un milieu riche où, à Pénerf, se côtoient, sur un faible espace depuis des décennies, agriculture et ostréiculture. Des activités récentes ont modifié cet équilibre : industries, tourisme et urbanisation. Sur ce petit bassin côtier, il faut travailler ensemble dans le respect de la nature, pour l’épanouissement des hommes et l’avenir du territoire. Il est le lieu d’une démarche participative ayant pour objectif commun la reconquête de la qualité bactériologique de l’eau des zones conchylicoles.
En effet, ce n’est pas en pleine mer que l’on peut avoir de bonnes huîtres. Non seulement parce qu’il faut des hauts fonds pour poser les poches ostréicoles mais parce qu’il faut les nourrir. Et rien ne vaut un estuaire, où se rencontrent les eaux douces chargées des nutriments du continent et les eaux salées de l’océan. Seulement, les eaux de la rivière doivent être de bonne qualité, notamment bactériologique, et donc ne pas véhiculer des flux de bactéries venant des humains ou des animaux. Sinon, le risque de fermeture sanitaire ou de déclassement de zone est important.
Aussi, fin des années 90, le classement sanitaire des zones conchylicoles attribue à la rivière de Pénerf pour les huîtres un classement en B. La profession ostréicole pense que les sources de contaminations bactériologiques proviennent des élevages agricoles. Les relations deviennent alors très tendues entre agriculteurs et ostréiculteurs. L’arrêté préfectoral découlant de l’application de la directive Nitrates interdit l‘épandage de fertilisants d’origine animale dans une bande de 0 à 500 mètres du rivage à proximité des zones de production conchylicole. La qualité sanitaire de l’eau conditionne la commercialisation des coquillages et l’épandage trop près du littoral risque de conduire à une pollution bactériologique. Cet arrêté est ignoré par certains agriculteurs, d’où des conflits entre les deux professions.
C’est alors que les élus d’une commune et les deux professions ont su se mettre autour d’une table, discuter, exposer chacune leurs difficultés. Un éleveur nous a dit « nous on parlait nitrates et eux bactériologie, on ne se comprenait pas ».
Ces premiers temps de concertation ont permis ensuite aux professionnels de s’entendre pour élaborer au niveau départemental une charte des bonnes pratiques des épandages des effluents agricoles sur la bande des 500 mètres du littoral, aboutissant à une dérogation permettant les épandages entre 200 et 500 mètres sous certaines conditions. Au-delà de l'instauration d'un dialogue, cette dérogation a permis dans un même temps de conforter les sièges d’exploitations agricoles sur le littoral, permettant aux éleveurs de se mettre aux normes et d’obtenir un plan d’épandage agréé et de leur assurer une continuité dans l’élevage sur ces espaces côtiers.
En 2000, à Pénerf, certains ostréiculteurs et agriculteurs souhaitent engager une démarche à l’échelle du bassin versant, qui leur paraît être plus appropriée pour travailler sur la qualité de l’eau. Ils font appel au SIAGM (ancêtre du Parc), qui est connu pour avoir animé des concertations sur le territoire. Afin d'établir un diagnostic partagé puis un programme d’actions, ils invitent tous ceux qui vivent et travaillent sur le bassin versant, élus, professionnels du tourisme, commerçants, industriels, associations et simples citoyens. Cette démarche est voulue « multi-acteurs », car les usages et les impacts sur l’eau sont transversaux et ne se limitent pas aux activités agricoles et conchylicoles.
Le diagnostic participatif se fait via des réunions dans chaque commune du bassin versant en 2002-2003. Ouvertes au public, chacun (habitant, entrepreneur, représentant d’association, etc) était invité à participer. Les animateurs du Parc étaient accompagnés d’un binôme agriculteur–ostréiculteur. Ces réunions ont débouché sur un diagnostic participatif du territoire et la formalisation du dispositif de concertation actuel. Trois commissions thématiques (Agriculture, GIZC-qualité de l’eau, Citoyenneté) et un comité d'acteurs élaborent le programme d’actions du premier contrat de bassin versant multi-acteurs de la rivière de Pénerf signé en 2005.
DES RECHERCHES POUR APPUYER LA CONCERTATION
Commence alors une série d’études pour une meilleure connaissance dont la mise en place d’un réseau de suivi sur les rivières alimentant l’estuaire avec le suivi des concentrations en Eschérichia Coli. Ont été réalisées des études des réseaux des eaux pluviales pour une connaissance de l’ensemble des exutoires directs à l’estuaire. Ensuite, entre 2010 et 2012, lors du deuxième contrat face à la dégradation sanitaire des eaux conchylicole (déclassement en B de la zone conchylicole pour les huîtres et en C pour les palourdes), un partenariat avec Ifremer et le Comité régionale conchylicole a été créé pour définir un programme de recherche des sources de contaminations bactériologiques sur trois ans. Des points de prélèvements sur eau douce complémentaires au réseau initial ainsi qu’une recherche de l’origine des contaminations bactériologiques via des traceurs ADN ont été réalisés. L’objectif était d’identifier l’origine humaine ou animale des sources de pollutions. Le tout couplé à la création d’un modèle hydrodynamique de l’estuaire et d’une modélisation des flux bactériologiques pour appréhender son fonctionnement jusqu’alors méconnu.
Lors de l’évaluation de ce second contrat, des actions ciblées et hiérarchisées ont été construites en commissions et validées par le comité d’acteurs. Elles ont abouti à un troisième contrat dont l’objectif principal est la reconquête de la qualité bactériologique en identifiant les maîtrises d’ouvrages appropriées. Ainsi, la chambre d’agriculture du Morbihan porte en propre une action de diagnostic des exploitations agricoles sur les « fuites » en bactériologie. Deux communes et le syndicat d’assainissement ont signé des accords de programmation avec l’Agence de l’eau Loire-Bretagne ciblant des actions prioritaires issues des recommandations des études des précédents contrats.
Le rôle du Parc est à présent d’assurer la coordination de chacun des maîtres d’ouvrages, de continuer les suivis qualité de l’eau, de déployer des études complémentaires si nécessaire, et de former les élus sur la nécessité d’une gestion et d’un diagnostic des réseaux des eaux pluviales…
Cette concertation entre tous les acteurs n’a pas eu d’effet direct sur la qualité de l’eau mais a permis une prise de conscience de la problématique et des difficultés des uns et des autres et d’actions adaptées, qui sont en cours. Le bassin versant est devenu un espace de rencontre et de dialogue important sur le territoire.