Face à la souffrance des forêts
Espaces naturels n°7 - juillet 2004
Louis-Michel Nageleisen
Ministère de l’Agriculture et de la pêche
Après la canicule, l’état de santé des forêts est préoccupant. Gare aux prédateurs secondaires tels les scolytes ! Les feuillus présentent des symptômes mais ce sont surtout les résineux qui vont pâtir.
2003 ! Deux événements climatiques exceptionnels marquent l’année. Dès le printemps, un déficit de précipitation se traduit par une sécheresse intense qui dure jusqu’à l’automne. Par ailleurs, cet été-là, des températures très supérieures aux normales s’installent. On parlera de « canicule historique ». L’écosystème forestier en est modifié.
Sur les arbres, les effets directs sont visibles dès l’été : jaunissement-brunissement précoce des feuilles (bouleaux, charmes, hêtres, chênes,…), rougissement des aiguilles (douglas, sapins,…) suivis souvent de la chute de ces organes foliaires. Au niveau du tronc, des fentes sur des épicéas ou des nécroses liées à des brûlures de l’écorce sur le douglas ou le hêtre ont été observées. Dans certaines situations, des jeunes plants ou des semis naturels sont morts au cours de l’été.
De manière moins visible, la perturbation des fonctions physiologiques essentielles des arbres (photosynthèse notamment) a induit des pertes de croissance et une diminution des capacités à élaborer et à stocker des réserves pour 2004, ce qui correspond globalement à une perte de vigueur et de capacités à réagir à des agressions (insectes, champignons).
Selon les espèces…
Selon les espèces, l’enracinement, la réserve en eau… les arbres ont réagi fort différemment à ces conditions climatiques.
À la fin de l’été 2003, les symptômes étaient surtout visibles sur les essences feuillues. Mais des effets différés à court terme, tels des attaques d’insectes sous-corticaux, sont à craindre essentiellement sur les essences résineuses. Ainsi dès 2003, on a assisté à une reprise des attaques de scolytes sur épicéa. Le niveau de bois scolytés devrait sans doute atteindre celui de 2001, niveau record, lié aux tempêtes de 1999. Le sapin est également fortement touché. Certains champignons comme Sphaeropsis sapinea, agent de mortalité des branches et de dépérissement des pins ont profité de ces conditions climatiques exceptionnelles.
Les répercussions directes sur les insectes sont, elles aussi, variables. La température a favorisé leur développement. On a, par exemple, assisté à l’essaimage de trois générations de certaines espèces de scolytes contre deux habituellement. A contrario, les espèces ayant atteint un stade peu mobile (œuf, larve sous écorce, nymphe) ont connu de fortes mortalités dès lors que la canicule a atteint les températures létales de plus de 45°.
Les conditions climatiques furent également très défavorables au développement des champignons qui resta très limité.
Le 20e siècle a fourni de multiples occasions de constater qu’un tel événement climatique provoque des effets à moyen terme à savoir entre deux et cinq ans. On peut s’attendre à une crise de vitalité des espèces conduisant à des dépérissements pour des peuplements prédisposés par leur contexte stationnel (substrat géologique, sol, topographie, exposition,…) et leur histoire sylvicole (origine artificielle, régime d’éclaircie,…).
Le département de la santé des forêts suit d’ailleurs avec attention les conséquences de cette sécheresse à l’aide de trois dispositifs : le réseau de correspondants-observateurs (surveillance large du territoire), le réseau européen de suivi des dommages forestiers (placettes permanentes) et un dispositif spécifique de placettes installées pour cinq ans.