Récréer une forêt plus naturelle
Espaces naturels n°7 - juillet 2004
François Sargos
Réserve naturelle de l’étang de cousseau
Les forêts du Médoc ont très fortement souffert de l'ouragan de 1999. La réserve naturelle n'a pas été épargnée et, durant l'année 2000 toute l'énergie, le temps et les fonds disponibles ont été utilisés pour dégager les pistes, réparer les clôtures à bétail, les ouvrages hydrauliques, le mobilier, sécuriser ou interdire l'accès au public ! L’ouragan a aussi été l’occasion d’accélérer les objectifs de gestion écologique que poursuit la réserve. En effet, à la recherche de deux sites pilotes, le WWF associé à RNF et à la fondation EDF propose à la Sepanso gestionnaire, une aide pour l'élaboration d'un "plan de restauration de la forêt après tempête". L'opportunité est saisie. Les premiers travaux sont engagés début 2003.
Depuis plusieurs années et bien avant la tempête, les gestionnaires de la réserve orientent la gestion en faveur de la dynamique spontanée des essences présentes originellement. Ils cherchent à accélérer les processus de restauration des boisements artificiels vers un type plus naturel. Les clairières à graminées, landes sèches à éricacées et barins2 étant, localement, une composante naturelle du milieu forestier, ils s’efforcent de leur redonner leur place, là où l'homme a planté artificiellement du pin maritime. L’entretien est ensuite assuré par du bétail rustique : vaches marines, poneys landais et les herbivores sauvages.
La production de bois et la rentabilité économique n’entrent pas dans les objectifs de gestion, pas plus que la notion de couverture boisée continue et permanente. Les événements et des éléments perturbateurs sont donc acceptés comme faisant partie du cycle des écosystèmes forestiers (feux, tempêtes, vagues de froid, attaques parasitaires, herbivores…), de même que le vieillissement naturel des boisements.
L’ouragan passé, l’action en faveur d’une forêt plus naturelle débute par l’analyse des conséquences des tempêtes antérieures, sur vingt ans. Elles nous renseignent sur la stabilité ou l'instabilité des différentes formations boisées de la réserve et des terrains environnants. Les dégâts les plus importants touchent d’abord les pins maritimes. Or, on apprend que les pins sont d'autant plus sensibles aux chablis et attaques parasitaires qui s'en suivent, qu'ils ont été plantés artificiellement et de façon monospécifique sur des milieux d'où ils étaient naturellement absents.
Trouées de régénération
et restauration des clairières
La base de la régénération s’appuie sur un principe simple : laisser s’exprimer le potentiel naturel de cette forêt spontanée et l’accompagner lorsque cela est nécessaire. Ainsi, au sud, là où la forêt présente encore son caractère le plus naturel, il n'y a pas grand-chose à faire, sinon observer la dynamique en cours. Les phases de croissance, sénescences et d'effondrement dans cette forêt mélangée de chênes et de pins s'enchaînent de façon harmonieuse et sans présenter de problèmes sanitaires. Les classes d'âge sont assez bien échelonnées, soit arbre par arbre, soit par bouquets formant ainsi une mosaïque d'essences ou une stratification (pins en haute futaie, chênes verts et pédonculés en taillis de sous-bois). Quelques vieux sujets isolés issus de franc pied constituent d'abondantes réserves de graines au patrimoine génétique local du plus grand intérêt. La mort d'un vieil arbre ou d'un groupe d'arbres provoque des trouées suffisantes pour une levée en nombre de jeunes plants.
Au nord, la sylviculture moderne des années soixante avec décapage du sol, mise en andains des souches de taillis, puis semis en bande des graines de pin nous a éloigné de la forêt naturelle. Le boisement de pins maritime équienne sur plus de 150 ha nous oblige à intervenir de manière plus volontariste. L'objectif étant de relancer les processus de fonctionnement de la forêt naturelle et de restaurer la diversité biologique et des paysages. L’approche consiste à prélever des bois dans et à la périphérie des petites trouées provoquées par l’ouragan de décembre 1999. Une mise en lumière modérée de ces espaces limités a pour objectif de favoriser le redéploiement des feuillus (chênes verts, pédonculés et tauzins, voire fruitiers), actuellement confinés sur les andains, où ils ont été poussés lors du reboisement. Selon la dynamique feuillus-résineux qui s’enclenchera dans ces ouvertures, basée sur la régénération naturelle des feuillus et du pin, nous déciderons de la suite à donner aux interventions.
Les orientations de gestion prévoient également la restauration des barins et des anciennes clairières à graminées dans les secteurs où les chablis ont été le plus significatifs. Ces zones se situent là où la nappe phréatique affleure en hiver, ce qui a pour conséquence le moindre développement de la racine pivotante des pins et donc une moindre résistance au vent. Le retrait des pins aux abords des barins favorisera la remontée de la nappe phréatique et ainsi, les préservera d’un vieillissement artificiel et accéléré. Ces réouvertures en milieu forestier seront également des éléments de diversification biologique et d'enrichissement paysager ce qui présente également un intérêt pour l'accueil du public.