Côtes d'Armor

Un festival pour faire aimer la nature par tous

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

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Jérémy Allain,
directeur de VivArmor Nature

Comment attirer sur nos sites au-delà des habituels passionnés et convaincus ? Le festival peut être une bonne solution, sous certaines conditions, que partage ici le festival Natur'Armor.

Festival Natur’Armor

Atelier jeune public lors du festival Natur'Armor porté par l'association VivArmor. © Pauline Delaunay

« Mais restez sérieux, un festival pour montrer les « petites plantes » et les « petits oiseaux », ça ne peut pas marcher ! » C’est comme cela qu’un projet de festival nature peut débuter, comme ne jamais voir le jour. Ce fut aussi le cas pour le festival Natur’Armor porté par l’association VivArmor Nature. Organisé chaque année en Côtes d’Armor avec pour unique objectif de faire découvrir la biodiversité bretonne au plus grand nombre, cet événement vient de fêter ses dix ans et, par la même occasion, accueillir son 50 000e visiteur

BIEN CHOISIR LA DATE

Ce choix est primordial et ce qui peut être valable en Bretagne ne l’est pas forcément dans une région montagneuse. Les habitudes du nord ne sont certainement pas les mêmes que celles du sud non plus.
Pour les bretons, c’est le début de l’année qui a été choisi sur une période comprise entre fin janvier et mi-mars car en concurrence avec peu de manifestations. À Digne-les-Bains, au contraire, les organisateurs du festival Inventerre préfèrent le début juillet car plus propice à la découverte et aux sorties nature mais aussi moins enneigé. 

UN FESTIVAL SPÉCIALISÉ ?

Il existe en France plusieurs festivals renommés qui répondent aux objectifs de découverte des passionnés de films animaliers, de photos ou d’art animalier. Dans le cas de Natur’Armor, les organisateurs ont fait le choix de s’adresser au grand public avec pour thème unique et annuel : la biodiversité bretonne.
C'est un prétexte pour :
• un espace de découverte d’environ 2 000 m² regroupant des expositions et des stands d’associations, de collectivités, de services de l’état…,
• des conférences et/ou des projections de films pour s’émerveiller par l’image, proposées tout au long de la manifestation,
• un salon d’art animalier mêlant dans l’espace découverte peintres, sculpteurs et photographes,
• des ateliers ludiques destinés aux enfants (dès 1 an),
• des sorties de découverte du patrimoine naturel local.

ORGANISATION : L’ENJEU EN VAUT LA CHANDELLE
Dire que c’est facile serait mentir ! Après avoir trouvé le lieu pour organiser votre manifestation, vous devrez convaincre les collectivités locales de vous soutenir financièrement (comptez environ 40 à 60 000 € par an) mais aussi techniquement (mise à disposition de salles, de matériel…), préparer ou faire préparer le dossier de sécurité (vous souhaitez accueillir beaucoup de monde donc ce volet est important), convaincre les structures de venir exposer (pas si simple la première année, mais ça va mieux après), trouver des bénévoles (environ 80 dans notre cas) pour gérer l’accueil du public, la buvette et la mise en place des stands, trouver une solution pour la restauration (jamais simple), définir une bonne stratégie de communication, la mettre en oeuvre et faire en sorte que tout se passe bien. Pour prendre du recul durant toutes ces étapes, nous conseillons de s’appuyer sur un comité d’organisation bénévole chargé d’émettre un avis sur l’organisation de la manifestation, le choix du lieu, des conférences...

Par ailleurs, il est important que des salariés travaillent sur le projet. Ne serait-ce que parce que l'événement demande une disponibilité importante. Dans le cas du festival Natur’Armor cela correspond environ à près de sept cents heures de travail collectif. Chez VivArmor, les rôles sont bien définis : le directeur gère la programmation et le montage financier du festival, définit et met en place la stratégie de communication, un chargé de mission biodiversité se transforme chaque année pendant un mois et demi en « monsieur logistique » et la secrétaire gère le bénévolat et les plannings des volontaires.

ALORS, C’ÉTAIT BIEN ?

Recueillir l’avis des exposants et des participants est primordial pour améliorerl’organisation générale de l’événement mais aussi pour évaluer la communication. Mais comment s’y prendre ?
Un questionnaire de satisfaction simple et rapide offre certainement le meilleur rapport qualité des informations - temps, la difficulté étant de trouver suffisamment de bonnes volontés pour le remplir. Pour augmenter le nombre de retours, le plus efficace est de récompenser les contributeurs, soit avec le même petit cadeau pour tous (ex : crayon) soit en organisant une tombola avec petits et gros lots. Le record de contributions a été atteint cette année : en limitant à un questionnaire par groupe de personnes, nous avons récolté 407 enquêtes, qui correspondent à 10 208 personnes physiques, soient un peu plus de 25 % des visiteurs de l’espace découverte.

ÉVALUER C’EST PRÉVOIR
Les résultats des enquêtes réalisées pendant le festival ont été riches d’enseignements mais le principal réside sur la capacité d’attractivité de la manifestation. Très rapidement, nous avons pu démontrer que les visiteurs ne parcouraient en moyenne que 40 km pour se rendre sur le lieu du festival. Donc, si nous voulions sensibiliser un maximum de personnes à l’enjeu de préservation de la biodiversité, il fallait tout simplement « allez chez eux ». C’est pourquoi, ce festival est devenu
itinérant.

ALORS COMMENT FAIRE VENIR DES NON-CONVAINCUS ?

Depuis dix ans, de nombreux stratagèmes de communication ont été mis en place pour faire venir un maximum de personnes mais aussi créer un capital sympathie autour de l’événement.

Tout d’abord, l’affiche : au début d’un style très naturaliste, elle a très vite pris une forme plus rigolote et moins sérieuse, évoquant un contenu plus accessible.

Ensuite, nous tentons d’éveiller la curiosité du public pour lui donner envie de venir avec des slogansdu type : des requins de 12 m, des mygales, des pingouins, des castors, des plantes carnivores en Bretagne ? Qui pourrait imaginer que ces plantes et animaux peuplent notre région ? De plus, nous avons développé une stratégie de prix très abordable (2 € à partir de 16 ans, gratuit en deçà). Enfin, nous mettons en place un partenariat avec les écoles locales en fournissant à tous les enfants des entrées gratuites pour qu’ils puissent inviter leurs parents.

ET ÇA MARCHE ?

La dernière édition de ce festival s’est tenue en mars à Pleumeur-Bodou et a accueilli 5 457 visiteurs. L’analyse des questionnaires donne par ordre décroissant d’efficacité des supports de communication :
Affiches et dépliants (dans les commerces de proximité : 31 % de personnes touchées)
Bouche à oreille : 19 %
Enfants des écoles : 16 %
Communication faite par les exposants : 14 %
Web : site Internet de l’association, réseaux sociaux… : 8 %
Presse : 8 %
Tractage sur les marchés, radio, office de tourisme… : 4 %

LONGUE VIE ?
Ce que nous retenons de ces dix premières années, c’est tout d’abord qu’il faut une réelle volonté et motivation sans faille pour porter ce type de manifestation tant les difficultés peuvent être nombreuses.
Mais, ce qui nous pousse à organiser encore et encore ce festival, c’est que nous savons désormais que, chaque année, 75 % des visiteurs participent au festival pour la première fois et surtout que 98 % des sondés se disent prêts à recommander l’événement à leurs proches. Preuve, peut-être, que petit à petit le rang des convaincus grossit !