Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais

Happy culture. L’abeille au cœur d’un jeu de rôles

 

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

Pédagogie - Animation

Adeline Destombes
FCEN
Michel Etienne
Inra Avignon
 

Un jeu de rôles autour de l’activité apicole permet aux collégiens de comprendre la complexité des jeux d’acteurs du territoire de la réserve.

Activité traditionnelle en Gâtinais, l’apiculture n’en génère pas moins des conflits d’usage. Depuis deux ans, et pour répondre à la demande de professeurs de collège, la Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais élabore un jeu de rôles. Celui-ci s’adresse à des collégiens afin qu’ils se forgent leur opinion et comprennent comment l’apiculture interagit sur le territoire et génère des relations entre les divers acteurs.
Dans ce jeu, conçu pour être facilement pris en main par un professeur (pour une demi-classe), les élèves choisissent de s’identifier soit à un apiculteur, soit à un forestier soit, encore, à un agriculteur.
Sur un plateau, le territoire de la réserve de biosphère est représenté avec ses zones forestières, agricoles et urbaines. Chaque joueur va, à tour de rôle, intervenir pour faire des choix qui aboutissent à aménager le territoire.
Tel agriculteur va planter du blé ou du colza ici, alors que tel apiculteur retirera ses ruches de là, pour les positionner plutôt dans une forêt avec des robiniers ; à condition, bien sûr, d’avoir l’autorisation du
forestier. Celui-ci va-t-il accepter ?
Est-ce son intérêt ? Pourquoi ? Comment ? Au fil du jeu, les jeunes participants, qui produisent du bois, du miel ou du blé qu’ils peuvent échanger, modifient leur stratégie. Ils adaptent leur comportement au fur et à mesure qu’ils comprennent la logique des autres acteurs.
Au début de la partie, chacun reçoit quelques consignes. Sur une fiche récapitulative, chaque acteur/joueur découvre les grandes règles qui régissent ses actions : quelle culture planter, à quelle saison ; où trouver des ressources pour les abeilles pendant une année entière… De même l’agriculteur peut choisir de « faire du bio » ou non. Il devra alors suivre des règles spécifiques à son choix.

Appréhender les interactions et implications des multiples acteurs. Pour répondre à cette ambition, les créateurs du jeu se sont appuyés sur la méthode Ardi. Quatre lettres pour signifier que les Acteurs, Ressources, Dynamiques, Interactions existants sur le territoire vont être identifiés tour à tour. Afin, in fine, de cerner les enjeux impliquant l’activité apicole et d’élaborer un modèle conceptuel du fonctionnement de l’apiculture sur le territoire. Ce modèle, représenté par un schéma (ci-contre) a nécessité une collecte importante de données scientifiques. En effet, s’il peut être simple de nommer les acteurs, il est plus ardu d’identifier les ressources du territoire et de savoir comment en garantir une utilisation durable. De même, il est moins aisé de repérer les dynamiques entre les ressources disponibles et les acteurs.
Le schéma synthétique final décrit comment chaque utilisateur des ressources interagit sur le territoire. Il illustre, par exemple, que si le forestier ne régule pas la population de sanglier, celle-ci, trop importante, peut sortir du bois et se nourrir dans les champs. Les dégâts peuvent être dommageables pour l’agriculteur, mais aussi (en poussant à l’extrême) pour l’apiculteur si les abeilles n’ont plus assez de fleurs à butiner dans le champ.
La méthode a nécessité de rencontrer les acteurs (apiculteurs, agriculteurs, ONF, PNR du Gâtinais français, chercheurs…) afin de leur faire exprimer leur propre vision du territoire (en rapport avec leur activité). La synthèse de ces données a permis d’établir le modèle final ensuite validé par les acteurs eux-mêmes.
Des demandes spécifiques des professeurs tels les effets du climat, le cycle biologique des abeilles ou la classification du vivant ont été également intégrées au jeu.

Aujourd’hui, le jeu est en phase de test. Les premières évaluations montrent qu’à l’issue de leur partie, les joueurs sont effectivement capables d’établir des liens entre produits de consommation, acteurs, territoire et ressources naturelles. La plupart découvre les différentes méthodes de cultures et leurs intérêts, parallèlement aux problèmes engendrés par les pesticides ou la difficulté de s’installer en agriculture biologique. Les joueurs, par exemple, relient la chasse au besoin de contenir les populations de sanglier.
La marge d’amélioration réside dans la compréhension de certains concepts comme la dynamique des milieux ouverts et la problématique de leur conservation.
La richesse des informations fait de ce prototype un outil éducatif utilisable hors contexte scolaire (centres de loisirs), mais impose de nombreuses explications au départ. Cet inconvénient pourrait être réduit en améliorant les supports graphiques.
Une phase de validation avec des professeurs et le conseil d’éducation de la réserve finalisera ce jeu dont la diffusion est envisagée aux collèges du territoire.

1. Broute-la-Motte à Ouessant ou ButorStar en Camargue sont des jeux de rôles similaires utilisés avec des lycéens et dans l’enseignement supérieur.