Provence - réserve de biosphère

Tour de France au mont Ventoux. La vipère d’Orsini s’en sort bien

 

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

Accueil - Fréquentation

Ken Reyna
Réserve de biosphère du mont Ventoux
Michel Etienne
Président du Conseil scientifique
 

Juillet 2009, l’arrivée du Tour de France cycliste est prévue au mont Ventoux. Le site, protégé, abrite une population de vipères d’Orsini. Un an plus tard, la liesse populaire s’en est allée. Quelles conclusions en tirer ?

Le passage du Tour au sommet du Ventoux n’est pas une nouveauté (treize fois depuis 1951). Mais cette édition 2009 prévoit des flux de spectateurs très importants en périphérie immédiate de pelouses où vit une petite population d’un serpent protégé :
la vipère d’Orsini. Par ailleurs, l’épreuve reine cycliste est couplée, quelques jours avant, avec l’étape du MondoVelo, une épreuve amateur avec ses 9 500 coureurs et leurs accompagnateurs… La succession de ces deux événements sportifs laisse donc présager une fréquentation inédite : plusieurs centaines de milliers de personnes sont attendues sur ce territoire reconnu Réserve de biosphère1, site Natura 2000 et bénéficiant d’arrêtés préfectoraux de protection du biotope ainsi que d’un programme Life Nature pour la Conservation des populations françaises de vipères d’Orsini2. Aussi, comment garantir l’accueil des visiteurs tout en assurant la protection du milieu naturel et de l’espèce ?
La communauté scientifique, le tissu associatif, les services de l’État et le conseil général de Vaucluse se mobilisent progressivement aux côtés des gestionnaires de l’espace protégé afin de limiter, voire d’éviter tout impact. Impacts sur le milieu naturel (piétinement et dégradation de l’habitat, diminution de la ressource alimentaire principale de la vipère) mais aussi impacts directs sur l’espèce (destruction volontaire, augmentation du stress des femelles gestantes, diminution du taux de survie…).
Le Conseil scientifique de la réserve de biosphère3 est saisi pour mieux appréhender les enjeux d’une telle surfréquentation. Ce groupe d’experts se penche sur les résultats d’une récente étude traitant de la conservation de la vipère d’Orsini à l’échelle régionale. Celle-ci, appuyée sur près de trente années d’observations locales, montre que l’espèce s’inscrit dans un processus inexorable d’extinction et ce, malgré tous les récents efforts déployés (restauration et entretien du milieu, renforcement de la surveillance, de la sensibilisation…). En cause, un changement dans l’aire de répartition de l’espèce. La population du mont Ventoux correspond en effet à la station la plus occidentale de l’aire de répartition, or celle-ci glisse progressivement vers les zones d’altitude situées plus à l’est.
La fragmentation du milieu est aussi incriminée ; à tel point que l’espèce semble vivre cloisonnée en plusieurs noyaux de sous-populations. Il convient donc de laisser le processus se dérouler le plus naturellement possible en canalisant la surfréquentation.
Pour cela, trois types d’actions sont donc envisagés. Elles s’appuient sur un argumentaire et des préconisations de gestion bénéficiant d’un éclairage scientifique. Ainsi, quelques jours avant l’épreuve, et après délimitation précise sur site, tous les habitats favorables à l’espèce sont mis en défens4. Le jour dit, des moyens humains sont déployés pour renforcer la surveillance et sensibiliser le public. Un appel est d’ailleurs lancé auprès de tous les organismes publics et associatifs locaux pour participer à cet accompagnement et une trentaine de bénévoles viennent épauler les partenaires du programme Life Nature. Enfin, une information claire et standardisée est diffusée par le biais d’articles de presse, pour expliquer ces mesures exceptionnelles et présenter l’intérêt de conserver cette espèce.
Ainsi sensibilisé, le public réagit en faisant preuve d’une compréhension immédiate et d’une acceptation des limitations d’accès. Aucun dégât n’est déploré sur les pelouses abritant la vipère d’Orsini.
Ce résultat surprenant relève de l’efficacité du dispositif, qu’il faudra d’ailleurs reconduire au prochain passage du Tour. Néanmoins, il faut bien reconnaître que les spectateurs ont boudé tout intérêt pour l’espace naturel. Venus pour le Tour, ils sont restés postés sur les quelques mètres bordant la route.
De fait, l’événement a davantage posé de problèmes en termes sanitaires et de sécurité (surpopulation temporaire ou quantité de déchets accumulés dans le massif). La vipère d’Orsini, elle, s’en sort bien.

1. Programme de l’Unesco : Homme et biosphère. www.mab-france.org • 2. www.vipere-orsini.com • 3.www.smaemv.fr • 4. Interdiction de parcours.