Gypaète barbu et pratiques sportives

Identifier les bons interlocuteurs et leur donner du temps

 

Espaces naturels n°2 - avril 2003

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Antoine Rouillon
Programme international gypaète barbu Asters

 

Prenez une espèce emblématique, prioritaire au titre de la directive européenne Oiseaux ; réintroduisez-la dans un massif alpin dont elle a disparu depuis près d'un siècle ; rajoutez-lui une très nette attirance pour nicher dans de belles falaises calcaires verticales, bien exposées, offrant des ascendances favorables au vol ; et au moment où votre recette semble prendre tournure, rajoutez une poignée de passionnés de grimpe et de vol libre.

En 1987, débutaient en France les premiers lâchers du plus vaste programme de réintroduction jamais imaginé en Europe : 1 500 km d'arc alpin, quatre pays, trois langues, un réseau international d'élevage. Les jeunes gypaètes barbus issus de captivité allaient bientôt rejoindre leur abri naturel et s’élancer pour leur premier vol. Il faudra alors patienter dix années (1997) avant qu’ils ne se reproduisent dans la nature. L’année suivante le massif du Bargy, Haute-Savoie, était désigné en tant que Zone de protection spéciale (ZPS) au titre de la directive Oiseaux.
En marge de la ZPS, une petite falaise présente quelques voies de niveau difficile, équipées par des guides professionnels de la commune riveraine. En charge du programme de réintroduction, l’association Asters (Agir pour la sauvegarde des territoires et des espèces remarquables ou sensibles), prend contact avec les guides concernés et, après une dizaine de mois de discussions et versions successives, une convention est rédigée. Elle interdit toute escalade dans la ZPS qui pourtant présente un fort potentiel de nouvelles voies. Seules les voies déjà équipées en périphérie pourront être pratiquées entre août et octobre.
La démarche est jugée suffisamment exemplaire pour qu'Asters et les professionnels décident d'associer le Club alpin français et la Fédération française de la montagne et de l'escalade. La convention est signée en présence du chef de la direction de l'Environnement de la commission européenne.
Malheureusement, quelques mois plus tard, ces fédérations sportives remettent en cause la convention. Suite à leur décision, un article paraît dans Vertical, il dénonce le risque de remise en cause de l'escalade, dû au retour de certains rapaces rupestres.
Est-ce à dire que les démarches de concertation ne puissent aboutir ? En fait, il convient de ne pas se tromper de partenaires. Ici, les acteurs professionnels locaux désireux d’intégrer les contraintes environnementales et les fédérations cédant aux exigences d'une frange de leurs adhérents. À contre-pied de leurs déclarations d’intention, ces dernières étaient prêtes à remettre en cause les conventions de protection d’espèces rares ou d’habitats protégés signées au niveau national.
Simultanément, d’autres partenariats ont abouti puisqu’une convention a été signée dans le cadre de la pratique du vol libre.
Forte de l'expérience précédente, Asters a identifié les interlocuteurs pertinents : acteurs départementaux professionnels et cadres des fédérations sportives du vol libre. Et, bien qu’elle interdise tout survol de la ZPS, la convention a été signée lors des championnats de France de parapente. Cette signature a donné lieu à une très bonne couverture médiatique, y compris dans la presse spécialisée.
Depuis, les interlocuteurs de l’escalade ont sollicité Asters pour reprendre la discussion autour de la première convention dénoncée. Manifestement, les choses font leur chemin… Sans doute parce que le temps est un facteur clé dès lors que l'engagement contractuel implique fortement ceux qui s'y obligent.

>>> Asters
Tél. : 04 50 66 47 51
Mél : antoine.rouillon@asters.asso.fr
www.gypaete-barbu.com