Écosystèmes prairiaux alluviaux du nord-est de la France

Pratiques agricoles : gérer pour la biodiversité

 

Espaces naturels n°2 - avril 2003

Le Dossier

Serge Muller
Université de Metz. Laboratoire Biodiversité et Fonctionnement des Écosystèmes

Le mode de gestion agricole a un impact important sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes prairiaux. L’étude porte sur les prairies du nord-est de la France, où un mode optimal de gestion conservatoire a pu être défini. Il correspond à une fauche tardive (après le 30 juin), suivie d’une seconde fauche fin août ou d’un pâturage sans fertilisation des prairies ou avec des apports très limités.

Le fauchage ou le pâturage ont-ils le même impact sur la biodiversité ?
Ces deux modes de gestion déterminent des cortèges floristiques sensiblement différents. Une étude comparative à niveaux hydriques équivalents a été menée entre des prairies fauchées et des prairies pâturées. Les résultats montrent que la richesse et la diversité des communautés végétales diminuent avec le pâturage. L’appauvrissement observé est d’autant plus marqué que le pâturage a lieu tôt au printemps, que le chargement animal est important et que les apports d’engrais sous forme minérale sont élevés.
Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence car, dans la Meuse (lieu de l’expérimentation), le pâturage correspond à une intensification des pratiques agricoles avec fertilisation élevée, alors que le régime de fauche correspond bien davantage à une exploitation traditionnelle extensive (faible fertilisation).
Quels sont les effets des apports azotés ?
L’augmentation des apports en azote diminue la richesse de la végétation. Menées dans les prairies du nord-est de la France, les expérimentations montrent une corrélation entre la charge minérale apportée à la prairie et la richesse moyenne des communautés. En effet, la richesse floristique diminue avec l’augmentation de la fertilisation azotée. Parallèlement à cette diminution de la richesse, l’augmentation de la fertilisation a également un impact sur la composition spécifique ; les espèces à caractère eutrophe1 sont favorisées par la fertilisation azotée alors que les espèces à caractère oligotrophe2 régressent suite à la fertilisation.
Réduire les apports azotés permet-il la restauration ?
La réduction des apports fertilisants présente un impact positif sur la richesse floristique. Les investigations menées dans la vallée de la Seille entre 1995 et 2000, suite à une extensification des pratiques de fertilisation montrent une augmentation de la richesse spécifique. Cependant, la vitesse et la probabilité de restauration d’une communauté végétale de référence dépendent du niveau et de la durée des fertilisations antérieures, ainsi que de la persistance de prairies à biodiversité élevée à proximité.
Faucher moins souvent, quel impact ?
La réduction de la pression de fauche (une seule coupe par an entre juin et mi-juillet) ou l’arrêt de la fauche conduit en moins de cinq ans à la dominance d’espèces sociales hautes telle Arrhenatherum elatius, au détriment des espèces basses moins compétitives. Ce phénomène semble assez facilement réversible s’il n’est pas trop ancien (moins de dix ans) par la reprise de la fauche régulière.
Quand faucher dans ces prairies alluviales ?
Après le 30 juin. En effet, la fauche constitue une perturbation importante sur l’avifaune, susceptible de bouleverser le sort des nids et juvéniles non-volants. Ces destructions agricoles peuvent expliquer une part significative du déclin de l’avifaune prairiale. Ce type d’études permet de fournir des informations locales de référence sur l’impact des fauches précoces sur la démographie de certaines espèces, ainsi que des valeurs-guides pour définir les pratiques agricoles à préconiser dans un objectif conservatoire.

1. Eutrophe : riche en éléments nutritifs.
2. Oligotrophe : pauvre en éléments nutritifs.