Les points à améliorer : le contrôle de la mise en oeuvre effective des mesures et l’évaluation
Espaces naturels n°45 - janvier 2014
Entretien avec Serge Muller
Président de la commission flore du CNPN
Propos recueillis par MMB
Le CNPN examine les dossiers de demande de dérogation pour destruction d’espèces protégées. Malgré des améliorations incontestables, un certain nombre de dossiers restent de qualité insuffisante...
Quelle évolution constatez-vous dans le montage des dossiers que vous voyez passer ?
Au cours des dernières années, il y a eu d’une part une augmentation très sensible du nombre de dossiers traités annuellement par le CNPN (par exemple doublement du nombre de dossiers flore au cours des 5 dernières années), mais aussi, indéniablement, une amélioration de la qualité de ces dossiers. L’élaboration par les services du Ministère de l’écologie et la diffusion en 2012 d’un guide « Espèces protégées, aménagements et infrastructures » et la généralisation de la démarche « éviter-Réduire-Compenser » y ont assurément contribué. Il subsiste toutefois encore une hétérogénéité importante dans la qualité des dossiers au niveau des inventaires réalisés et des évaluations des enjeux ainsi que dans la pertinence et l’adéquation aux enjeux des mesures d’évitement, de réduction et de compensation qui sont proposées.
Quelles évolutions pressentez-vous dans les années qui viennent dans votre fonctionnement ?
Le nombre annuel de dossiers de demande de dérogation devrait se stabiliser dans les prochaines années et la qualité des dossiers s’équilibrer, espérons-le ! Le point qui doit absolument encore être amélioré, car il reste encore très insatisfaisant actuellement, est le contrôle de la mise en oeuvre effective des mesures compensatoires et l’évaluation de leurs résultats. C’est une phase essentielle, d’une part pour vérifier que les mesures ont effectivement été mises en oeuvre conformément aux demandes et d’autre part, pour évaluer leur pertinence et améliorer progressivement les savoirfaire en la matière grâce au retour d’expérience. Peut-être la mise en place de l’Agence de la Biodiversité pourrat-elle contribuer à l’amélioration de ces suivis de la mise en oeuvre de la compensation.
Quelles sont les questions que vous vous posez sur votre rôle ? Les points qui font débat entre vous ?
Le rôle du CNPN dans la délivrance des dérogations relatives aux espèces protégées me semble fondamental pour avoir une cohérence nationale, en particulier pour les espèces les plus sensibles et les plus menacées. Mais cette évaluation nationale doit s’appuyer, à mon avis, sur une analyse régionale des enjeux des dossiers. C’est pourquoi les experts délégués faune et flore du CNPN souhaitent autant que possible bénéficier de l’éclairage des CSRPN à l’amont de leur examen des dossiers et ces avis régionaux sont nécessairement pris en compte dans l’évaluation de la demande. Les débats lors des réunions des commissions concernent la nature, la pertinence et l’importance des mesures d’évitement, de réduction et de compensations qui sont proposées. Si la mise en place de protections règlementaires (APPB, RNR, voire RNN) n’est pas considérée comme une mesure compensatoire en tant que telle, mais uniquement comme une mesure d’accompagnement, elle n’en constitue pas moins une garantie de pérennité et un élément essentiel permettant, dans certains cas, d’assurer sur le long terme le maintien de l’état de conservation favorable des populations des espèces impactées, qui reste le critère d’évaluation principal.