La compensation : un rôle primordial pour les gestionnaires

 

Espaces naturels n°45 - janvier 2014

Le Dossier

John Thompson

Troisième acte d’une pièce qui commence par éviter et réduire, la compensation est un élément clé d’une doctrine encore en cours de matérialisation aussi bien dans les moeurs que dans les faits.

Dans ce dossier, on découvre les rôles multiples que peuvent jouer les gestionnaires et l’importance qu’il peut y avoir de les mettre en collaboration avec d’autres acteurs de la compensation - surtout quand il s’agit des grands projets d’aménagement qui sillonnent nos territoires. Ces liens peuvent par exemple permettre aux gestionnaires d’affronter la question de l’évaluation des mesures compensatoires, jusqu’à maintenant un grand absent, mais qui devient un sujet d’interrogations autour de ce que l’on appelle la « performance écologique » des mesures.

Mais c’est bien là que l’on se heurte à un problème de fond : tout projet de restauration comporte sa propre dose d’incertitude, qui n’est plus à oublier lorsqu’on calcule ces fameux « ratios de compensation » et « équivalences écologiques ». Cette incertitude ne va pas diminuer lorsqu’on va sur le terrain de la trame verte et bleue et des interdépendances écologiques entre espaces nécessaires au fonctionnement des milieux et aux dynamiques des populations. Compenser un impact qui va au-delà de l’espace impacté, voilà une idée qui doit être abordée dans la doctrine. Une doctrine s’impose, une philosophie, une éthique même, devrait y fi gurer. On ne peut compenser certaines pertes et on ne doit pas en compenser d’autres qui subissent de multiples impacts sur un territoire. Plus souvent que l’on ne le fait, il faut revoir le scénario des deux premiers actes de la pièce et agir pour éviter et réduire. 
Ce dossier traite un certain nombre de ces points. Mais d’autres restent en suspens, surtout concernant le pas de temps nécessaire pour faire une véritable compensation. Le  décalage entre le rythme des dynamiques écologiques et celui des aménageurs reste un aspect critique. Peut-on continuer à simplement mesurer l’impact d’une construction sans intégrer l’impact à long terme de l’exploitation ? Comment suivre les impacts et oeuvrer vers une gestion adaptative des mesures compensatoires ? Or, les suivis scientifi ques sur les projets de restauration mettent parfois des décennies à livrer des résultats (pas toujours prometteurs) et le statut à long terme des espaces de compensation, au-delà même  des durées d’engagement des maîtres d’ouvrages, reste à défi nir dans bien des cas.

De quoi nourrir la réflexion pour faire en sorte que ce troisième acte d’une pièce qui se joue en France comme ailleurs ne rejoigne pas la scène tragique des pertes de biodiversité que nous ne parvenons toujours pas à enrayer.