La compensation et les Cen, exigences et ambitions

 

Espaces naturels n°45 - janvier 2014

Le Dossier

Bruno Mounier
Directeur Fédération des Conservatoires d’espaces naturels

Les espaces naturels se posent des questions déontologiques sur les mesures compensatoires, et c’est bien légitime. Certains d’entre eux ont mis leurs pratiques noir sur blanc pour être cohérent au niveau d’un réseau. D’autres se sont concertés pour revendiquer une posture sur le principe des mesures compensatoires. C’est notamment le cas du réseau des Conservatoires d’espaces naturels, auteur d’une charte éthique.

Les Conservatoires d’espaces naturels, souvent sollicités pour la mise en oeuvre des mesures compensatoires, ont fait le choix de longue date de se positionner. Avec plusieurs exigences : respect des procédures, réalité effective des mesures d’évitement puis de réduction d’impact et, bien sûr, qualité des mesures compensatoires proposées - qu’elles apportent de vraies réponses au patrimoine dégradé. être acteurs du processus « pollueur –payeur », comme « bénéficiaire » de celui qui paye, n’est pas simple et impose des exigences fortes que les CEN ont éditées en 2009 dans leur « charte éthique ».
Outre la publication de cet outil pratique qui sert de garde-fou, le réseau des Cen prend position sur l’évolution de la réglementation. La loi cadre biodiversité en cours d’élaboration, apporterait deux éléments nouveaux. La trilogie « Eviter- Réduire-Compenser » remonte au rang des principes généraux, c’est-à-dire qu’elle est censée orienter plus fortement les politiques publiques. Par ailleurs, un nouvel outil viendra compléter la possibilité d’engagement conventionnel de manière durable et souple à travers les servitudes conventionnelles, qui consistent à attacher au foncier une vocation patrimoniale opposable et transmissible. Deux évolutions importantes, mais qui ne suffiront probablement pas à équilibrer l’équation pollueur-payeur, pas plus qu’elles ne préciseront cette mention actuelle de la loi (Eviter, réduire – et si possible compenser), dont l’interprétation n’a que très rarement été au service de la biodiversité. Ainsi, selon les Cen, des marges de progrès importantes pourraient être développées parmi lesquelles :
• Dans le cadre des études d’impact : une séparation entre l’expertise d’une part et la définition des mesures compensatoires d’autre part.
• Une clarification entre la responsabilité et le portage de la mise en oeuvre effective des mesures compensatoires
• L’intégration des mesures compensatoires dans les déclarations d’utilité publique.
• La mise en place d’un fonds d’intervention pour la biodiversité alimenté par une partie des produits issus des mesures compensatoires.
• L’instauration d’une obligation garantissant que l’affectation des budgets corrigeant les atteintes à la biodiversité soit effectivement dédiée à la biodiversité et s’additionnent aux budgets existants.
• La mise en place d’un observatoire national, assurant la traçabilité des mesures compensatoires et construisant des références. Le cas échéant en l’intégrant dans le périmètre de l’Agence de la biodiversité.
• Un renforcement de l’évaluation ex post de la mise en oeuvre des mesures.
C’est par une longue expérience de terrain et tenant compte des évolutions récentes qu’une nouvelle charte éthique des Conservatoires d’espaces naturels sur les mesures compensatoires sera éditée en 2014. Il faut que le système soit évolutif car les bases d’une nouvelle doctrine viennent d’être posées et imposent une vigilance et une exigence partagées.