Compenser des potentialités écologiques

 

Espaces naturels n°45 - janvier 2014

Le Dossier

Baptiste Regnery
MNHN, UMR Conservation des espèces, restauration et suivi des populations

Une étape importante dans la conception des mesures compensatoires est le choix des mesures de biodiversité qui permettront de comparer les pertes engendrées par l’aménagement et les gains attendus par les compensations. Dans la nature, les équilibres sont rares, les mesures devraient prendre davantage en compte les potentialités.

A l’heure actuelle, les dossiers de mesures compensatoires sont la plupart du temps basés sur des inventaires taxonomiques. Si l’on veut véritablement compenser les pertes de  biodiversité, il faudrait les compléter par des mesures indirectes de biodiversité, c’est-à-dire des mesures basées sur des variables physiques ou biologiques permettant de renseigner indirectement l’état de la biodiversité structure paysagère, connectivités biologiques, micro-habitats d’arbre). Ces mesures, dont les liens avec la biodiversité doivent être connus, visent à évaluer un « potentiel biodiversité ». L’intérêt de mesurer les potentialités biologiques est d’apporter une évaluation intégratrice de la biodiversité car centrée sur les conditions et les processus écologiques des écosystèmes. Par exemple, mesurer des micro-habitats d’arbre peut apporter une mesure complémentaire de la biodiversité en milieu forestier, en quantifi ant des variables structurales qui jouent un rôle clé dans les réseaux trophiques (photo ci-contre). 

Par ailleurs, l’état estimé de la biodiversité est transitoire car les équilibres biologiques sont rares dans la nature. Ceci est particulièrement important dans le contexte des compensations où il s’agit d’évaluer non seulement un état écologique à un instant t, mais aussi des trajectoires écologiques. Par exemple, si un projet d’aménagement engendre des impacts sur une durée estimée à 100 ans, les mesures compensatoires devraient maintenir des gains équivalents aux pertes durant la même période. Cela nécessite d’intégrer les mesures indirectes de biodiversité dans des approches prospectives visant à prédire l’évolution de la biodiversité en fonction de différents contextes (occupation des sols, changement climatique).

Penser en termes de potentialité est d’autant plus important qu’il est généralement impossible de mesurer l’ensemble de la biodiversité d’un écosystème, y compris à une échelle spécifi que. Il existe en effet de nombreuses contraintes pour réaliser des inventaires exhaustifs : effet observateur (connaissance du site d’inventaire par l’observateur, expérience d’identification), contexte dans lequel se déroulent les inventaires (temps disponible pour l’échantillonnage), ou encore pour des raisons strictement biologiques (dynamiques de populations, stochasticité).