Eviter, réduire, compenser : une doctrine nationale pour passer à l’action
Espaces naturels n°45 - janvier 2014
Noémie Courtejoie
MEDDE, Bureau des biens publics globaux (CGDD)
Suite à la sortie des textes, il est rapidement apparu à l’ensemble des acteurs que la difficulté à transcrire les obligations dans la pratique résultait notamment d’une absence de méthodologie commune sur l’application de la séquence ERC. Le Ministère chargé de l’écologie a alors initié en 2009 une réflexion portée par un comité de pilotage national réunissant des représentants de l’état, d’établissements publics, d’entreprises et des sociétés civiles (dont des membres de l’Aten). En est ressortie une doctrine nationale.
Le but de la doctrine et du comité qui y a travaillé, était de clarifier et harmoniser les méthodes au plan national. Le comité de pilotage a validé en 2012 une doctrine nationale assez largement partagée afin de rappeler les principes qui doivent guider tant les porteurs de projets que l’administration, pour faire en sorte que les questions environnementales soient intégrées aux projets dès leur élaboration et persistent par la suite, tout en garantissant une homogénéité de traitement sur le territoire. La définition de la doctrine devrait améliorer la prise en compte des enjeux qui pèsent sur les milieux naturels terrestres, aquatiques et marins.
Afin de faciliter davantage l’application de la séquence ERC, le comité de pilotage a également décliné la doctrine sur un plan méthodologique non normatif en publiant les « Lignes directrices sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels » (voir ci-contre), qui ont vocation à évoluer avec le retour d’expérience.
La doctrine nationale rappelle que dans l’esprit du Grenelle de l’environnement 2, le projet déposé par un maître d’ouvrage devrait être celui présentant, au regard des enjeux en présence, le moindre impact sur l’environnement à coût raisonnable. Il est indispensable qu’il intègre les richesses environnementales dès les phases amont de choix de solutions (type de projet, localisation, choix techniques, ...), au même titre que les enjeux économiques ou sociaux, tout en apportant une attention particulière aux enjeux environnementaux dits majeurs, c’est-à-dire relatifs à la biodiversité remarquable, aux continuités écologiques et aux services écosystémiques. Pour définir un projet de moindre impact, l’évitement en tant que seule solution permettant de s’assurer de la non-dégradation d’un milieu par un projet, doit être privilégié (il peut s’agir par exemple de modifier le tracé ou le site d’implantation pour éviter des zones de nourriceries ou frayères d’espèces marines). Dès lors que des impacts négatifs sur l’environnement n’ont pu être pleinement évités, des solutions techniques de minimisation de ces impacts doivent être mises en place : c’est l’étape de réduction. Il peut s’agir de mesures spécifiques à la phase de chantier (comme l’adaptation de la période de réalisation des travaux pour éviter la période de nidification de certaines espèces) ou de mesures spécifiques à l’exploitation (comme la mise en place d’un passage à faune pour rétablir la continuité écologique interrompue par le tracé d’une route).
Lorsque le projet n’a pas pu éviter les enjeux environnementaux majeurs et lorsque les impacts n’ont pas pu être suffisamment réduits, il est nécessaire pour le maître d’ouvrage de définir des mesures compensatoires qui ont vocation à apporter une contrepartie positive aux impacts négatifs. Celles-ci doivent être conçues après l’identification et la caractérisation précise des impacts résiduels du projet. Les mesures compensatoires doivent respecter le principe d’équivalence écologique, c’est-à-dire qu’elles doivent générer une plus-value écologique, au moins équivalente aux pertes générées par le projet, sur un milieu naturel identique au milieu impacté et situé en priorité à proximité. Par ailleurs, les mesures compensatoires doivent être faisables (d’un point de vue technique, légal et financier), efficaces, pérennes et additionnelles aux actions publiques existantes ou prévues en matière de protection de l’environnement, auxquelles elles ne peuvent pas se substituer.
Compte tenu de tous ces éléments, il est admis que « tout n’est pas compensable ». La décision d’autoriser ou non un projet revient à l’autorité administrative qui ne l’autorisera que s’il s’agit effectivement du projet de moindre impact, que les mesures compensatoires envisagées sont approuvées et qu’elles permettent d’atteindre l’objectif d’absence de perte de biodiversité. L’autorisation délivrée fixera les mesures ERC à réaliser, ainsi que les modalités essentielles et pertinentes de suivi de la mise en oeuvre et de l’efficacité des mesures sur la base d’indicateurs de suivi facilitant le contrôle par les autorités compétentes. La mise en place d’un dispositif de suivi et de contrôle est essentiel pour garantir l’efficacité et la pérennité de l’opération, ainsi que le retour d’expérience et la capitalisation des connaissances.
En complément, et dans l’idée de faciliter la mise en place d’une compensation efficace dans le cas de projets de faible ampleur, le Ministère chargé de l’écologie étudie actuellement la faisabilité de la création de réserves d’actifs naturels mobilisables au titre des obligations de compensation. À ce titre, une expérimentation d’offre de compensation est en cours de lancement. Elle aura lieu à droit constant et dans le respect des procédures en vigueur, notamment de l’examen des dossiers d’étude d’impact par les instances compétentes telles que le Conseil national de protection de la nature. L’ensemble du dispositif expérimental fera l’objet d’une évaluation et d’un suivi continu par un comité de pilotage national et des comités de pilotage locaux.