Il est obligatoire 1

 
le document unique d’évaluation des risques professionnels

Espaces naturels n°9 - janvier 2005

Droit - Police de la nature

Patrice Parthenay
Consultant

 

La loi impose désormais, à tous les employeurs du secteur privé, d’évaluer les risques encourus par leurs salariés et de les consigner dans un document qui précise les mesures de prévention.

Après l'accident d'AZF à Toulouse, les pouvoirs publics ont rendu obligatoire, pour tous les employeurs, un document unique d'évaluation des risques professionnels2. Ce document, élaboré par l'entreprise, ne se limite pas à un inventaire des risques encourus par les salariés. Le législateur a souhaité qu'il suscite une prise de conscience des conditions réelles dans lesquelles est effectué le travail. Anticipant les risques, le document unique doit déterminer des modes opératoires pour renforcer la vigilance générale à certains moments clés. Il doit aussi décliner un plan d'actions de prévention. Ce plan, précis, doit consigner un calendrier et des méthodes. Le document unique est à la disposition des membres du comité d'hygiène et sécurité, des délégués du personnel3, du médecin du travail, de l'inspecteur du travail, des agents de prévention de la Cram ou de la MSA.
Réfléchir et rédiger
Une démarche de prévention et d'évaluation des risques s'appréhende étape par étape. Une bonne méthode consiste, tout d'abord, à identifier les unités de travail. Attention à raisonner à la fois avec les tâches, qui créent des situations de travail, et avec les activités fixes, lesquelles peuvent se dérouler sur plusieurs lieux (exemple : chantiers ou ateliers). Quelles activités exercent quels groupes de salariés ? Où ? Quand ? Avec quels moyens ?… Telles sont des questions auxquelles il convient de répondre.
Une deuxième étape consiste à faire
l'inventaire des risques. Après avoir
identifié dangers et menaces, on les analysera pour appréhender les conditions concrètes d'exposition des salariés aux facteurs de risques. Ceci sans omettre d'estimer la fréquence et la gravité des risques encourus. Des critères propres à l'entreprise pourront alors être déterminés : quelle exposition à quel risque ? Quelle gravité prévisible ? Quelles conséquences ? Pour combien de salariés ? Lesquels ?...
À ce stade, la rédaction du document peut être réalisée, écrite ou numérique. Ne pas omettre, si des données sont nominatives, de se soumettre à l'obligation de déclaration à la CNIL. Ajoutons que le document doit préciser les méthodes employées pour apprécier les risques.
Une fois le document rédigé, il convient de le mettre à jour. Quand ? Au minimum une fois l'an mais, aussi, chaque fois qu'intervient au sein de l'entreprise un changement susceptible de modifier l'appréciation des risques. Ainsi en est-il des décisions relatives aux procédés de fabrication, aux équipements du travail, aux aménagements importants modifiant les lieux ou les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité (code Trav. art. L. 236-2). Un accident survenu dans l'entreprise constitue un événement créateur d'information sur les risques, susceptible de modifier le document4.
Un programme d'action
Le document impose également la définition d'un programme d'action qui doit aller dans le sens d’une adaptation du travail à l'Homme. Les choix effectués par l'employeur doivent permettre de combattre les risques à leur source. Ils doivent prendre en compte les facteurs (forcément évolutifs) humains, organisationnels et techniques.
Ce programme est entendu par le législateur comme un outil opérationnel facilitant le suivi des actions engagées. Il doit donc énoncer les moyens humains et financiers mobilisés et leur calendrier de mise en œuvre. Échéances et priorités doivent y figurer.
L'expérience prouve qu'il est souhaitable de nommer un responsable par chantier de prévention avec une échéance « un Homme/un projet/une date ». La mise en place de tableaux de bord permet d'ajuster les choix, de contrôler l’efficacité des mesures prises et tenir les délais.
Et si rien n'est fait ?
Depuis le 8 novembre 2002 (décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001),
l'inspecteur du travail peut réprimer la non-tenue du document unique ou sa non-actualisation. L’amende est de 1 500 euros ; le double en cas de récidive ; le quintuple le cas échéant pour la personne morale.
Ne pas présenter le document aux représentants du personnel constitue un délit d'entrave (3 750 euros d'amende au plus et/ou un an d'emprisonnement au plus), voire un délit (volontaire) d'obstacle à la mission des inspecteurs et contrôleurs du travail (450 euros d'amende ; le quintuple pour la personne morale).
Enfin, certains juristes considèrent que le juge, en cas de litige relatif à un accident de travail ou une maladie professionnelle, peut établir un lien entre l'inventaire des risques et la prise de conscience des menaces. Soit que le danger n'ait pas été identifié dans l'inventaire des risques, soit qu'il ait été ensuite négligé et que les décisions prises n'aient pas été rendues effectives. La faute inexcusable représente elle-même un risque pour l'employeur...