Mobiliser l'économie

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

Édito

Par Valérie Boisvert
Économiste, Membre du conseil d'orientation de l'Aten

Valérie Boisvert

L'économie occupe une place importante dans la justification, la formulation et la contestation des politiques de conser­vation depuis plusieurs décennies. Elle est particulièrement présente dans les réorientations récentes de l'action publique en matière de biodiversité. Elle est ainsi invoquée dans le diagnostic porté sur les problèmes, la définition de priorités d'action et le choix des moyens mis en œuvre pour y faire face. Les mesures de conservation sont fréquemment légiti­mées par valeurs instrumentales et services rendus par les écosystèmes, ou encore potentiel de la nature à inspirer des innovations technologiques. Les externalités économiques pour les activités agricoles et pastorales, engendrées par exemple par la présence de grands prédateurs, sont à l’inverse parfois présentées comme devant relativiser l’opportunité de la protection de ces derniers.

En appeler aux intérêts bien compris des parties prenantes et à leur participation à l'élaboration et à la mise en œuvre de mesures de conservation serait plus efficace que s'en remettre à une réglementation contraignante accompagnée d'un arsenal de sanctions... Les politiques contractuelles reposant sur des incitations seraient moins coûteuses et plus efficientes. La concertation, la participation, le renforcement de formes d’appropriation et de gestion collective seraient en outre un gage d’efficience en matière de conservation. La nouvelle loi Biodiversité est parcourue par des références plus ou moins explicites aux valeurs économiques de la nature, aux coûts d’opportunité considérables que représente sa dégra­dation, à l’idée selon laquelle les mesures de protection et de prévention seraient moins coûteuses et plus efficaces que la restauration des milieux ou les introductions d’espèces.

Il y a donc un enjeu pratique fort, d’une part, à analyser de plus près ces formes de mobilisation de l'économie et, d’autre part à étudier l’économie réelle des espaces naturels, plutôt qu’à y projeter des catégories et des arguments prétendu­ment frappés au coin du bon sens économique. Les références appuyées à la rationalité, à l'efficacité, à la réduction des coûts traduisent-elles un argumentaire solide et fondé en théorie ou l’habillage de choix d’un autre ordre, qui ne seraient pas exprimés comme tels ? Quels sont effectivement les enjeux économiques liés à la conservation des espaces naturels ?
Tel est le programme auquel j’entends contribuer.