Moteur économique, la coopérative garantit la longévité de l’action
Dans le Tarn, propriétaires de zones humides et naturalistes ont créé Rhizobiòme, société coopérative d’intérêt collectif. Une structure économique pour durer.
Plus que de la connaissance scientifique, plus que la maîtrise technique, il faut un ressort humain pour préserver les zones humides. « Notre société coopérative d’intérêt collectif (Scic) est née fin 2006, parce qu’un groupe de propriétaires et de naturalistes se faisait confiance et avait besoin d’un outil efficace pour préserver les zones humides », explique Céline Rives Thomas, associée dans Rhizobiòme, Scic tarnaise s’employant à préserver le patrimoine naturel. « Nous avons conçu cet outil comme un lieu de construction de solutions partagées. » Certes, mais pourquoi avoir créé une structure économique ? « Pour assurer durablement un service professionnel. Une association aurait été tout à fait légitime, mais nous voulions nous ancrer dans la réalité économique et créer les conditions de la longévité, de la stabilité.
Dans le cadre d’une Scic, salariés comme propriétaires peuvent devenir associés ou sociétaires (ils apportent du capital), ce qui permet d’impliquer toutes les parties prenantes dans la coresponsabilité du projet. Par ailleurs, les propriétaires peuvent ainsi être en prise directe avec les décideurs politiques. »
Aujourd’hui, quatre ans plus tard, la coopérative tient le cap financier. Elle compte deux salariés et permet de faire travailler d’autres coopératives chez qui deux salariés supplémentaires sont en charge des missions qu’elle leur sous-traitent. Comme une entreprise classique, elle a d’ailleurs ses stratégies de développement. Elle vise l’élargissement de ses secteurs d’intervention sur d’autres milieux.
Confrontation. « Mais, au quotidien, les uns apportent leurs sagnes1, leurs difficultés, les autres leur connaissance et, ensemble, ils mettent en œuvre des solutions de gestion, adaptées aux contraintes écologiques et fonctionnelles des sites, ainsi qu’aux envies des propriétaires », explique Céline Rives Thomas qui illustre : « Dans une sagne très mouillée à la fin du printemps, un éleveur ne pouvait mettre ses bêtes. Il envisageait de creuser des fossés pour évacuer l’excès d’eau. Les naturalistes de la coopérative lui ont proposé d’opter plutôt pour des rigoles de surface, certes plus complexes à mettre en œuvre, mais moins dommageables pour le site, et permettant de résoudre son problème de pâturage. »
L’organisation en coopérative oblige aussi les associés à trouver des solutions qui satisfassent les intérêts de chacun. « C’est ainsi que l’on a pu rouvrir une sagne abandonnée pour laquelle le propriétaire n’avait pas les moyens d’investir. Un éleveur voisin aurait pu y installer ses bêtes, mais il s’y refusait sur un site aussi fermé et non équipé.
La coopérative a permis leur rencontre. Le propriétaire a fourni son site et s’est engagé à assurer la surveillance du troupeau, la Scic a mis en place les équipements nécessaires, les naturalistes ont assuré le suivi scientifique.»
Certes, la pression de pâturage n’est pas assez importante pour permettre le retour rapide des espèces typiques et le propriétaire devra attendre plus longtemps que prévu pour que sa sagne retrouve sa figure d’antan… Mais des choses se font. Et s’il est des refus, les compromis sont vécus comme des avancées vers des solutions durables.
1. Nom vernaculaire pour désigner les zones humides.