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Évaluer plus précisément les impacts

 

Espaces naturels n°67 - juillet 2019

Le Dossier

• Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité

Des recherches sont encore nécessaires pour bien mesurer les impacts de la production d'énergie renouvelable sur les milieux et les espèces. Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), estime qu'il faut développer non seulement les connaissances sur les incidences des installations, mais aussi sur la biodiversité elle-même.

Jean-François Silvain président de la FRB

Jean-François Silvain président de la FRB

Les énergies renouvelables peuvent avoir des impacts négatifs sur la biodiversité, avec une incidence variable selon la nature de ces énergies. L’énergie hydraulique et la bioénergie (en particulier la filière bois-énergie), sont les deux filières les plus susceptibles d’impacter fortement la biodiversité tant locale qu’à distance, sans nécessairement avoir une incidence positive sur le bilan carbone. La filière éolienne terrestre génère des mortalités significatives chez les oiseaux et les chauves-souris dont on ne mesure pas encore les conséquences sur le fonctionnement des populations. Le captage de l’énergie solaire, et, dans une moindre mesure, de l’énergie géothermique, pose des problèmes d’artificialisation des terres et on évalue encore mal les conséquences des dispositifs de récupération de l’énergie des mers, en dehors des structures marémotrices. D’une manière générale, on constate que les études d’impact, telles que définies aujourd’hui, ne permettent pas de prévoir précisément les impacts des installations d’énergie renouvelable sur la biodiversité, une fois ces structures mises en place. Cela a été notamment mis en évidence pour l’éolien.

Il convient d’évaluer plus précisément l’incidence directe et indirecte de chaque type d’énergie renouvelable (ENR) sur la biodiversité via des approches complémentaires allant de l’analyse ciblée de l’incidence de l’ENR sur les composants de la biodiversité à des évaluations plus globales de l’incidence de l’ENR sur le fonctionnement de l’écosystème où elle est implantée et sur le devenir des communautés biologiques qui le constituent. Il faut évaluer les modifications comportementales et physiologiques induites par la présence de l’ENR sur des populations, espèces ou communautés qui ne feront pas nécessairement l’objet de mortalité directe. Tout ceci passe par la mise en place de systèmes de recueils des données systématiques et obligatoires et la mise au point de protocoles de suivi robustes à l’origine d’indicateurs fiables. Il est essentiel de mieux prendre en compte l’impératif de réduction de l’impact sur la biodiversité et de préservation de celle-ci dans les études d’impact préalables à l’implantation d’une ENR.

Des expériences de pays étrangers qui ont développé plus tôt que nous certaines ENR.

Cela sous-entend de bien connaître la biodiversité locale et les incidences potentielles de l’ENR sur celle-ci. La régulation du fonctionnement temporel de certaines ENR (éolien terrestre et marin notamment) doit prendre en compte les dynamiques spatiales et temporelles des populations d’animaux impactés pour réduire les incidences négatives sur ces derniers, notamment lors des migrations. Il faut ici tirer avantage des expériences de pays étrangers qui ont développé plus tôt que nous certaines ENR. Enfin, la poursuite de l’exploitation d’une ENR sur un site donné devrait être conditionnelle notamment à l’évaluation a posteriori de son incidence directe ou indirecte sur la biodiversité tant locale qu’à distance.