>>> Parc naturel régional des boucles de la Seine normande

« Nous avons sensibilisé les chefs d’entreprises à l’éco-développement »

 
Entretien avec Gwendal Bodilis

Espaces naturels n°2 - avril 2003

Aménagement - Gouvernance

Gwendal Bodilis
Chargé de mission éco-développement au PNR des boucles de la Seine normande.

 

Peut-on concilier développement économique et patrimoine naturel ? Plusieurs parcs naturels régionaux ont incité les entreprises à prendre en compte l’environnement. Exemple dans les boucles de la Seine normande...

Comment avez-vous réussi à convaincre les chefs d’entreprises d’engager une démarche environnementale ?
En 1998, les choses n'étaient pas gagnées d'avance. Il a fallu informer les acteurs économiques que la vocation d'un parc naturel régional n'était pas uniquement de protéger le patrimoine naturel mais aussi de concilier cette préservation avec un développement économique respectueux de l'environnement. Notre action fut donc très progressive. Courriers, plaquettes, réunions publiques ont été la base de nos premières actions. Nous devions afficher nos intentions, convaincre de l'acuité de la question environnementale et surtout démontrer qu'elle n'était pas contradictoire avec le développement économique. Puis, très vite, nous avons tissé des contacts personnalisés avec des responsables environnement d'entreprises industrielles « pionnières » du parc. Nous avons engagé une démarche commune au travers d'un pré-diagnostic environnement de leur entreprise, une sorte de bilan gratuit et confidentiel sur leurs performances environnementales.
Mais quel était l’intérêt des chefs d’entreprise ? Qu’attendaient-ils de gestionnaires d’espaces naturels ?
Au départ, ils attendaient... Ils voulaient juger « sur pièces ». Nous nous sommes donc appliqués à cerner précisément les difficultés environnementales qu'ils rencontraient afin de leur proposer des actions spécifiques et concrètes pour y remédier.
C’est donc par les grosses entreprises que le programme a démarré...
Cela se comprend. Elles appartiennent souvent à des grands groupes qui ont des démarches abouties dans le domaine environnemental. Ces entreprises comptent d’ailleurs, fréquemment, un poste de responsable environnement dans leurs effectifs. Cela dit, le pré-diagnostic a mis en évidence un manque d’information en matière environnementale. Aussi, une de nos premières actions a été la mise en place de formations à l’environnement. Il est vrai en revanche, qu’à l’époque nous avons très peu touché les TPE et les entreprises artisanales. Nous y parvenons aujourd’hui.
Y a-t-il eu des actions déterminantes ?
Après les premiers pré-diagnostics, des entreprises pionnières ont engagé des actions qui leur ont permis de réduire leur consommation énergétique ou encore de valoriser leur image. Nous avons promu ces résultats grâce aux témoignages des chefs de ces entreprises dans la Lettre du parc ou lors des journées d’information « thématiques ». Le caractère exemplaire de leurs démarches a permis l’enclenchement d’une dynamique inter-entreprises.
Vous aviez un rôle de facilitateur ?
Tout à fait. Nous avons proposé aux organismes impliqués dans l'aide environnementale aux entreprises (conseil régional, Agence de l'eau, Ademe, chambres consulaires, Drire, Edf) de s'associer pour, ensemble, mener des actions d'envergure. D'autre part, le parc a pu jouer un rôle de relais d'informations entre ces structures et les acteurs économiques de son territoire, ainsi qu'un rôle de conseil sur les aides disponibles ou sur les exigences réglementaires applicables.
Quelle difficulté majeure avez-vous rencontrée ?
Le besoin d'ajuster notre aide aux particularités de chaque entreprise. D'une part du fait de la spécificité de leur activité et d'autre part du fait de leurs objectifs environnementaux très variés. Une des difficultés rencontrées a été le « turn-over » important des responsables environnement, lié notamment à un statut dans l'entreprise encore fragile. Notre point fort sur cet aspect des choses a certainement été notre disponibilité et notre réactivité. La proximité est un facteur clé du succès.
Quel fut l’intérêt de travailler dans le cadre du programme européen Adapt ?
Nous avons bénéficié de moyens que nous n'avions pas auparavant. Nous avons pu créer la mission éco-développement et le poste de chargé de mission éco-développement. Un atout fondamental ! Lorsqu'une entreprise s'engage dans une démarche environnementale, il faut pouvoir aller la voir souvent et parfois rapidement. Cela a permis également de personnaliser les interventions et d'instaurer une relation de confiance. À l'échelle nationale, nous avons pu bénéficier des démarches inter-parcs d'échange et d'élaboration d'outils en commun.
Au bout de cinq ans, quel bilan tirez-vous de ce programme ?
Je constate que beaucoup d'entreprises ont progressé dans leur prise en compte de l'environnement. Adapt a permis de créer une dynamique territoriale, une mise en réseau des entreprises. Leur participation croissante et leurs attentes fortes en terme d'appui à la gestion de l'eau ou des déchets rend la mission éco-développement indispensable. C'est d'ailleurs pourquoi elle se poursuit après la fin du programme. Aujourd'hui, nous visons plus particulièrement les petites entreprises et les entreprises artisanales sur le thème de l'eau. Nous cherchons aussi à expérimenter de nouvelles actions comme l'intervention à l'échelle des zones d'activités.

Propos recueillis par Salomon brodier
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Mél : salomon_brodier@hotmail.com