Durban • Afrique du Sud • 8-17 septembre 2003

Ve Congrès mondial des parcs

 

Espaces naturels n°5 - janvier 2004

Vu ailleurs

Christian Barthod
Sous-directeur des espaces naturels à la direction de la nature et des paysages - ministère de l’Écologie et du Développement durable

 

Un expert du Programme des Nations Unies pour le développement a décrit le Congrès mondial des parcs comme « une gigantesque université d'été du Commonwealth sur la biodiversité ». En effet, les interventions conceptuellement les plus intéressantes venaient des grandes organisations non gouvernementales anglo-saxonnes et des experts issus des USA et d'Amérique latine. Les autres continents furent très en retrait en terme de réflexions et d'innovations. Aucun expert français n’a été sélectionné dans les assemblées plénières mais une délégation a présenté la contribution des espaces protégés dans les ateliers de travail.

Du consensus… Le message de Kofi Anan a rappelé que l’augmentation du taux de surfaces protégées s'est faite concomitamment avec une accélération de la perte de biodiversité au niveau mondial et avec une fragmentation des aires de répartition des espèces. L'objectif de 10 % de la superficie terrestre en aires protégées, arrêté il y a vingt ans alors que le pourcentage n’était que de 3,5 %, est dépassé. Il atteint désormais 12 %.
Mais plusieurs orateurs ont insisté sur la nécessité de démontrer et chiffrer les bénéfices découlant d'une politique d'aires protégées. K. Miller (président du World Resources Institut) a précisé que l'objectif de 10 % n'avait rien de scientifique et résultait d'une « inspiration ». Pour lui, et au-delà du fait que certaines de ces aires formellement protégées ne le sont pas dans les faits, le problème est, d'une part, d'améliorer la représentativité des surfaces protégées, avec une priorité pour les zones de Hot Spot (les points chauds de la biodiversité), et d'autre part de lutter contre la fragmentation en passant d'une série d'aires protégées à un véritable réseau. Cette dernière option sera le grand chantier des années à venir, gérable seulement dans un cadre partenarial.
… à la contradiction. Peter Bridgewater (secrétaire général de la Convention de Ramsar), avec un humour grinçant et provocateur, a distribué les responsabilités. Pour lui, la nature même de la matrice entre les aires protégées n'est pas neutre et indifférenciée : elle influence les évolutions dans les aires protégées elles-mêmes. Les corridors à créer au sein de cette matrice ne feront donc pas disparaître ces influences fortes. Le centrage des politiques en faveur de la biodiversité sur les seules aires protégées procède d’une forme de nombrilisme des organismes gestionnaires. Il a aussi manifesté son très fort scepticisme face à la priorité absolue donnée aux Hot Spots. Cette approche, centrée sur les espèces, démontre qu'on n'a pas encore compris les niveaux de la biodiversité et l'intérêt des différents écosystèmes, y compris les plus pauvres.
La spécificité européenne Nicolas Hanley (Commission européenne) a plaidé en faveur de la reconnaissance de la spécificité européenne, sur des territoires où la biodiversité est fortement liée à l'histoire de l'utilisation de l'espace par l'Homme. Natura 2000 est actuellement le moteur de la création d'aires protégées en Europe. L'évolution de la Politique agricole commune est aussi un enjeu pour la préservation de la biodiversité en Europe. Il a aussi cité l'Allemagne en exemple : un pays qui a une réelle volonté politique de créer un réseau entre les sites Natura 2000, malgré un contexte difficile.