Pour une protection désintéressée

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

L'entretien

Geneviève Gaillard,
députée des Deux-Sèvres et rapportrice de la loi Biodiversité

Qu'avez-vous pensé des échanges autour de la loi Biodiversité ? 

Ils ont été constructifs dans certains domaines et moins dans d'autres. Il y a eu de bons échanges autour de la biodiversité terrestre. Dans les points positifs, il y a la définition d'une biodiversité dynamique, de la solidarité écologique, des principes de non régression et de non perte nette, les semences fermières, les créations du Conseil national de la biodiversité et de l'Agence française pour la biodiversité.

D'autres moments ont été plus difficiles. Pour certains amendements, les collègues parlementaires ne sont pas allés dans le sens que je proposais. Je regrette par exemple que l'ONCFS n'ait pas été retenu dans l'AFB alors que c'est un pilier de la biodiversité. Le principe des actions de groupe n'a pas été retenu non plus.

Quelle a été la qualité du débat sur le plan technique ?
Ce que je regrette, c'est que beaucoup de parlementaires voient la biodiversité comme quelque chose d'utile, avec un point de vue anthropocentrique. Or je pense qu'elle a une valeur intrinsèque. Elle n'est pas qu'utile, même si elle est importante pour les territoires et la chaîne biologique. Ce message n'est pas passé auprès des chasseurs et des agriculteurs.

On croit être au courant de la biodiversité, que les gens ont pris conscience de son érosion. Mais le problème c'est qu'ils veulent tous continuer comme avant. Quand il faut changer de comportement, rien n'est possible. On préfère continuer à dépenser et à faire du bitume, sous prétexte des électeurs qui sont derrière. La force des chasseurs pour peser dans le débat m'a vraiment choquée.

Parfois c'est à la loi de bouger les lignes, pour empêcher de faire n'importe quoi. Il y a des choses qu'on ne devrait même pas discuter. La chasse à la glu, ça ne devrait pas exister. Mais on est obligés d'en parler, parce que malheureusement, ça existe. Le mot chasse est cité deux cents fois dans la loi, c'est presque risible. Je pensais que la biodiversité pouvait être un sujet pour lequel il était possible de prendre du recul. Je m'aperçois que non, à l'aune de ce que veulent un certain nombre de gens.

D'où tirez-vous votre engagement environnemental ?

Je m'intéresse depuis longtemps à la biodiversité. C'est une philosophie de vie. Je suis écolo sans en avoir l'étiquette. Je suis extrêmement intéressée et sensible aux questions de la condition animale. Cela va de pair. Au nom de quoi on piège, on écrabouille, etc. ? Dans ma circonscription, il y a le marais Poitevin, la deuxième zone humide de France. On aimerait qu'il soit classé en zone Ramsar. Il y a des enjeux liés aux paysages et à l'activité, comme la production de pommes, des enjeux de maintien des mares, et la problématique des espèces exotiques envahissantes. Nous avons des sites Natura 2000, des réserves nationales et régionales pour l'enjeu de l'outarde canepetière. On travaille avec le CNRS de Chizé pour voir comment favoriser cette espèce très importante.

Comment vous tenez-vous au courant des sujets biodiversité ?

Je rencontre des scientifiques et des acteurs du secteur. Quand on aime un sujet, on mémorise facilement. Je n'ai pas de formation particulière. Mais je constate que les élus ne sont pas assez formés à ces sujets. À la mairie de Niort, j'ai développé la rame verte et bleue (TVB). Il a fallu forcer l'équipe municipale à comprendre de quoi il s'agissait pour avancer.

Propos recueillis par MMB