Loi Biodiversité

Première application du principe de non-régression

 
Droit - Police de la nature

Le principe de non-régression vient d’être appliqué pour la première fois suite à un recours de l’association de protection de l’environnement Fédération Allier Nature. La protection de l’environnement [...] ne peut désormais faire l’objet que d’une amélioration constante...

On trouve aussi le principe de non-régression dans le récent Code de l’environnement des Îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie.

On trouve aussi le principe de non-régression dans le récent Code de l’environnement des Îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie.

Par une décision remarquée du 8 décembre 2017, Fédération Allier Nature, le Conseil d’État a eu l’occasion de faire une première application du principe de non-régression issu le la loi Biodiversité du 8 août 2016. Dans cette affaire, ont été annulées les dispositions du décret du 11 août 2016, réformant les études d’impact sur l’environnement, en ce qui concerne certains seuils applicables aux projets de pistes de course automobiles et d’équipements et aménagements associés susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes. Était en cause l’instauration de seuils « planchers », en dessous desquels les projets ne font plus l’objet d’un examen au cas par cas pour savoir si une étude d’impact est nécessaire en fonction des caractéristiques du projet et de son contexte.

L’INTÉGRATION DU PRINCIPE DE NON-RÉGRESSION EN FRANCE

Ce principe n’est pas complètement inédit : apparu pour la protection des droits fondamentaux (obligation dite de « standstill » dans certains pays), plusieurs juridictions étrangères en ont fait application dans le domaine de l’environnement. Par exemple, la Cour d’arbitrage belge a considéré, dans un arrêt du 14 septembre 2006 et sur la base du droit à la protection d’un environnement sain consacré par la Constitution belge, que le législateur ne saurait réduire dans le champ de l’urbanisme le niveau de protection offert par l’évaluation environnementale – sujet décidément propice à cette problématique.

Sous l’impulsion d’une partie de la doctrine (par exemple Michel Prieur), le principe de non-régression a été évoqué en France lors des états généraux de modernisation du droit de l’environne- ment en 2013. On le trouve aussi dans le récent Code de l’environnement des îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie.

C’est par amendement que ce principe a été introduit dans la loi Biodiversité. Les termes utilisés pour le consacrer à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement sont issus de discussions parlementaires assez nourries : « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances spécifiques et techniques du moment ».
Le principe de non-régression vient d’être appliqué pour la première fois suite à un recours de l’association de protection de l’environnement Fédération Allier Nature. La protection de l’environnement [...] ne peut désormais faire l’objet que d’une amélioration constante...

LA PORTÉE DU PRINCIPE DE NON-RÉGRESSION

Les dispositions du décret du 11 août 2016 réformant les études d’impact sur l’environnement, en ce qui concerne certains seuils applicables aux projets de pistes de course automobiles [...] ont été annulées.

Comme souvent en droit, la question se pose notamment en termes d’articulation des normes juridiques, dès lors que le principe de non-régression a été posé par la loi. S’agissant d’abord du niveau législatif, le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision du 4 août 2016 sur la loi biodiversité, que le législateur gardait la possibilité de modifier ou abroger des textes antérieurs, dans le respect des règles supérieures (on peut en particulier penser à la Charte de l’environnement et aux différentes règles internationales et européennes). En revanche, le Conseil constitutionnel a précisé que le principe de non-régression s'impose au pouvoir réglementaire, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière.
La décision rendue par le Conseil d’État intervient dans ce cadre, et apporte des premiers éclaircissements. L’un d’entre eux est qu’une règle a priori procédurale, comme les seuils et critères d’examen au cas par cas, peut être couverte au titre de la « protection de l’environnement », le Conseil d’État réservant toutefois le cas où il serait démontré qu’un type de projets n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine (ce qui n’était pas le cas pour les projets en cause dans la décision). Remarquons que l’évaluation environnementale ne saurait en effet se réduire à des aspects formels ou à des obligations de consultation, alors qu’il s’agit d’abord d’une démarche d’intégration de l’environnement au fond dans l’ingénierie du projet : une certaine incompréhension peut d’ailleurs apparaître lorsque les considérations de procédure, engendrant des stratégies d’évitement, prennent parfois le pas sur l’intérêt de pouvoir se référer à un tronc commun méthodologique dans la prévention des impacts environnementaux. En revanche, le Conseil d’État précise que le fait de prévoir un examen au cas par cas à la place d’une étude d’impact systématique ne méconnaît pas, par là-même, le principe de non-régression de la protection de l’environnement.

La question de savoir s’il y a régression appelle en outre une appréciation sur deux autres aspects : (i) les termes à retenir pour comparer la nouvelle réglementation par rapport à celle antérieurement applicable : dans l’affaire Fédération Allier Nature, les dispositions annulées, publiées peu de temps après la loi Biodiversité, ont été comparées à la version qui la précédait immédiatement, où il n’y avait pas de seuil plancher pour les projets de pistes automobiles et où un examen au cas par cas était prévu pour les projets d’équipements sportifs ou de loisirs susceptibles d’accueillir entre 1 000 et 5 000 personnes. Il s’agissait donc d’un cas, relativement simple, entre deux termes ayant le même objet (les seuils d’examen au cas par cas pour une catégorie de projet) ; (ii) la mise en contexte des dispositions en cause : le Conseil d’État, dans sa décision, a raisonné par type de projets, dès lors que la réglementation en cause s’y prêtait. La jurisprudence ultérieure pourra apporter d’autres précisions sur la façon d’appréhender l’existence ou non d’une régression, en particulier pour des réglementations susceptibles d’appeler une approche qualitative plus globale. La référence, à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, aux « connaissances scientifiques et techniques du moment » tend par ailleurs à laisser la place à des adaptations qui pourraient être discutées sur ce fondement.

Si l’apparition du principe de non-régression s’inscrit ainsi dans de nouveaux développements du droit de l’environnement en France, notons enfin que le débat est aussi susceptible de se prolonger au niveau international : voir, à ce propos, les échanges lancés sur le projet de Pacte mondial pour l’environnement présenté à Paris le 24 juin 2017.