À propos du concept de naturalité

 

Espaces naturels n°29 - janvier 2010

Des mots pour le dire

Daniel Vallauri
Chargé du programme Protection des forêts du WWF France

 

La naturalité est un concept nouveau en écologie. Sa définition stricte porte sur les qualités écologiques intrinsèques de la nature. Mais ce concept riche permet également de questionner les cultures humaines, au travers des notions d’empreinte écologique et de sentiment de nature.
Parfois jugé complexe d’un point de vue scientifique, il est, sur le terrain, assez efficace pour le gestionnaire. En effet, il redonne vie à une vision devenue comptable ou partiale du concept de biodiversité et remet au premier plan trois caractéristiques qui définissent la nature :
• son organisation originale. Un écosystème est un ensemble organisé d’habitats mais aussi de micro-habitats ; son organisation étant indissociable de sa désorganisation. Ce point est bien illustré dans le domaine forestier par le rôle des tempêtes ou du bois mort par exemple, habitats et/ou processus fonctionnels clés ;
• sa complexité. « La complexité vivante, c’est bien de la diversité organisée » (Edgar Morin, 1980). C’est le moteur de la nature, au travers des nombreux processus fonctionnels, flux de gènes, de matières, d’énergie, et les relations trophiques et biogéochimiques ;
• sa spontanéité, c’est-à-dire sa capacité à s’auto-produire, s’auto-générer, s’auto-réguler, s’auto-désorganiser. Cette capacité découle des processus et des fonctionnements dynamiques de l’écosystème (résilience, succession et trajectoire écologique, régénération…), mais aussi de l’évolution des espèces. Car la spontanéité écologique ne s’improvise pas à partir de rien ; elle est le fruit d’une très longue histoire naturelle et évolutive. D’où l’importance clé, en forêt notamment, de la notion d’ancienneté (continuité dans le temps) pour comprendre la trajectoire de la biodiversité qui s’exprime.
Comme le rappelle le dictionnaire Littré, le mot naturalité est ancien et exprime « l’état naturel ou spontané ». Bien évidemment, la naturalité d’un lieu est une affaire d’intégration de multiples critères et de positionnement sur un gradient ; elle ne peut en aucun cas s’exprimer de façon binaire et sur un seul critère.
On peut espérer qu’en écologie, et notamment dans la gestion des milieux naturels, les méthodes de gestion s’inspirent de ce nouveau concept aux multiples applications.