Responsabilité et conscience collective

 

Espaces naturels n°17 - janvier 2007

Édito

Philippe Richert
VICE-PRÉSIDENT DU SÉNAT, PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DU BAS-RHIN, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L’ASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE.

En raison du développement économique effréné et des pollutions de toute sorte qu’il induit, exacerbées par l’émergence de l’Inde ou de la Chine qui emboîtent le pas aux États-Unis et à l’Europe sans que la conscience planétaire n’impose des mesures et des comportements éco-compatibles, parler d’environnement revient le plus souvent à évoquer des concentrations chimiques dans l’air, l’eau ou le sol, ou à s’inquiéter de la question nucléaire ou de l’explosion de maladies liées à la pollution.
Ainsi, trop souvent l’intérêt environnemental de nos concitoyens est accaparé par des thèmes successifs qui expriment des craintes ou des catastrophes. Le politique n’échappe pas à cette ondulation thématique ; et comme le citoyen, il zappe sur le thème qui a l’honneur de l’actualité. Passant sous silence les autres sujets, il prend le risque de perdre sa ligne conductrice, la vision globale.
Mais les temps changent et nous réservent parfois de réjouissantes nouvelles. Dans notre pays, le paysage, la biodiversité, après avoir longtemps été occultés, font à nouveau partie des priorités environnementales et de celles du développement durable. Aujourd’hui, notre société reprend conscience que l’Homme appartient à un écosystème. Notre vision devient plus globale et nous acceptons enfin de traiter de concert la question de l’eau, les conséquences du changement climatique, les difficultés rencontrées par les agriculteurs, les besoins des aménageurs.
Dans cette globalité du développement durable, la nature et les écosystèmes retrouvent leur place, et notre relation aux espèces vivantes, notre faculté d’émotion qui nous dote d’une dimension humaine, ne sont plus ignorées. Gandhi disait : « La nature, c’est la partie visible du jardin de Dieu. » La fragilité d’une anémone pulsatile, la beauté d’un courlis cendré ou le toucher d’un lapereau nous émerveillent et sont des contacts sensuels indispensables à l’éveil de la conscience à la vie. Comme l’écrit Albert Schweitzer dans son ouvrage À l’orée de la forêt vierge, « l’éthique n’est pas autre chose que le respect de la vie ».
Voilà pourquoi nous ne devons pas réduire notre raisonnement d’aménageur, de politique, de décideur à des problématiques sociales et sociétales immédiates. Au-delà du besoin de nous protéger des crues, des épidémies, de la pollution, nous devons garder cette aptitude à l’émotion au contact de la nature.
Aujourd’hui, nous savons : le développement non maîtrisé, la concurrence pour l’utilisation de l’espace, la pollution, sont des risques pour la biodiversité, pour les espaces naturels et pour l’humanité. Il nous reste alors à protéger par une prise de conscience collective ce patrimoine exceptionnel qui nous est légué. Nous avons la responsabilité d’être solidaires et enthousiastes dans cette mission extraordinaire : garder intact ce patrimoine pour le transmettre aux générations futures.