>>> Grands sites et surfréquentation touristique

La revégétalisation en pratique

 

Espaces naturels n°2 - avril 2003

Méthodes - Techniques

Denis Bredin
Grand site de la Pointe du Raz

 

Les « Grands sites » sont souvent victimes de leur succès et connaissent une surfréquentation touristique qui peut conduire à un état de dégradation. À la Pointe du Raz (Bretagne), un ambitieux programme de restauration a permis d’enrichir les savoir-faire et les techniques.

Le sol pauvre, les embruns salés, la forte exposition au vent, autant de facteurs qui renforcent l’action du surpiétinement… La Pointe du Raz souffre de son succès touristique. Les sentiers s’élargissent jusqu’à devenir de vastes surfaces de roche nue où le ruissellement de l’eau accélère l’érosion.
Que faut-il faire ? Fermer l’accès au public dans l’hypothétique attente d’une régénération spontanée n’est guère concevable. D’ailleurs, les sols ayant disparu, les plantes pionnières n’auraient guère de chance de recoloniser l’espace. En revanche, la canalisation de la fréquentation par l’aménagement de sentiers sur lesquels la marche est plus aisée que sur les parties naturelles et la matérialisation des zones de revégétalisation se complètent. Pour être efficace, cette canalisation doit intégrer les accès automobiles ainsi que les infrastructures sanitaires et commerciales liées au site. À la Pointe du Raz, après de longues procédures et des controverses, cette ambition a conduit à détruire des hôtels, à déplacer des parkings, des voiries, une cité commerciale… Ensuite, et seulement ensuite, a pu débuter la mise en œuvre des techniques de restauration des milieux naturels.
Les techniques sont souvent peu coûteuses
Sur les sites où la suppression du piétinement intervient avant la disparition des sols, la régénération est très rapide. Le stock de graines n’ayant pas disparu, la simple pose de géotextile (filet biodégradable à larges mailles) permet des revégétalisations substantielles dès la première saison. Les pelouses aérohalines1 et les landes littorales se reconstituent après deux à trois saisons.
Par contre, sur les sites entièrement remaniés, il convient de procéder à un apport de terre. Des mulch2 à base de broyat de landes littorales, par exemple, permettent de reconstituer rapidement un cortège floristique adéquat et d’éviter l’érosion du sol remis en place.
Sur les parties les plus exposées et les plus dégradées (sols lessivés ou roche mère à nu), la création de micro-reliefs, alignements de gros graviers a été expérimentée avec succès.
Ces micro-reliefs sont particulièrement efficaces car ils permettent aux fines particules de subsister (effet de déflation du vent derrière les obstacles). Ces accumulations sont le siège d’une germination, puis de la survie d’une plantule qui, elle-même, contribue à piéger d’autres particules et à reconstituer le sol. S’ils sont seuls, les semis de graines récoltées localement ont peu d’impact, mais, en accompagnement des micro-reliefs et autres géotextiles, ils permettent apparemment d’accélérer le processus. Pratiquement, la différence entre les zones avec et sans semis n’est souvent plus perceptible au bout de quatre années.
Notons encore que ces techniques de revégétalisation sont simples, souvent peu coûteuses (c’est moins le cas des travaux liés à la canalisation du public).
En revanche, il est un autre élément majeur de la réussite : à savoir, le traitement de l’écoulement des eaux, notamment celles des secteurs imperméabilisés tels sentiers, zones de stationnements, zones érodées. Les techniques employées (canalisations, puits perdus) visent toutes à ralentir l’écoulement afin de permettre les infiltrations dans les sols ou l’évacuation vers les réseaux hydrauliques naturels.
Faut-il regretter que ces travaux génèrent une « artificialisation » des sites, et la perte d’une certaine liberté ? Dans les espaces protégés très fréquentés, c’est souvent la condition du maintien des sites littoraux et leurs habitats naturels, ainsi que de leurs caractéristiques paysagères.