Exploiter la valeur économique d’espèces pour gérer la biodiversité

Les toits de chaume au secours du butor étoilé

 
Parc naturel régional de Brière
Aménagement - Gouvernance

Matthieu Marquet
Parc naturel régional de Brière

 

Sur le territoire du Parc naturel régional de Brière, le roseau est employé pour la couverture des habitations traditionnelles. Ce matériau a connu un renouveau notamment grâce aux subventions de l’État et de la région. Malgré cela, sur les marais de Brière, sa récolte hivernale et manuelle se fait dans des conditions difficiles sans que les coupeurs n’aient réellement de statut. En Brière, contrairement à d’autres régions (Camargue…), la mécanisation de cette activité n’a jamais réellement vu le jour. Les tentatives ont été peu concluantes tant les milieux sont contraignants. Le sol tourbeux est peu portant et comprend de nombreux trous d’eau, autant de difficultés auxquelles il faut ajouter le statut indivis du principal marais…
La situation est donc paradoxale, alors que le territoire possède une des plus importantes roselières de France1 et une grande concentration de toitures en chaume, la dynamique autour de l’exploitation du roseau n’existe pas. La création d’emplois se fait attendre.
Quelques synergies méritent cependant d’être exploitées : les roselières briéronnes comprises dans la zone de protection spéciale accueillent une importante population de butor étoilé (15 % de la population nationale).
Un projet de restauration, d’entretien et de gestion expérimentale de la roselière en faveur du butor a donc été adopté. Il vise à expérimenter une gestion favorable à la conservation d’une roselière en tant qu’habitat de l’espèce, en s’appuyant sur la filière chaume. Un cahier des charges précis a été validé en groupe de travail associant de nombreux partenaires.
C’est dans ce sens que la Commission syndicale de Grande Brière Mottière, structure gestionnaire du marais indivis, a signé un contrat Natura 2000 avec l’État, en partenariat avec le parc et un exploitant chaumier, équipé de matériel adapté à l’exploitation du roseau en marais.

Difficultés. Un premier contrat a été initié en 2007, mais les contraintes techniques sur le milieu et une acceptation locale du projet sous-évaluée malgré un important travail de concertation en amont, ont eu raison de la première tentative. Ces conditions ont contraint le maître d’ouvrage à rompre le contrat. Pour ne pas perdre la dynamique lancée et l’expérience acquise, les acteurs du territoire ont souhaité souscrire un autre contrat en 2009 sur un autre secteur du marais indivis moins problématique.
Ce contrat est aujourd’hui engagé pour cinq ans sur une roselière de vingt-cinq hectares. Il prévoit une exploitation hivernale laissant sur pied une zone non fauchée (servant de zone refuge) à hauteur de 20 % de la surface engagée.
Les résultats attendus sont de deux ordres : réunir les conditions écologiques de la roselière jugées favorables à l’installation du butor étoilé pour sa reproduction ; impulser dans un second temps une activité économique traditionnelle, compatible avec des objectifs de protection, capable de fournir localement du roseau qualité chaume.

Mise en œuvre. L’expérimentation a réellement débuté à l’hiver 2010 par le broyage et l’exportation de la roselière sur vingt hectares. Les deux premières années, le contrat Natura 2000 prend en charge la totalité des coûts d’exploitation afin de compenser la non-valorisation économique du roseau. L’indemnisation diminue ensuite, au fur et à mesure des cinq ans. Difficile aujourd’hui d’estimer les retombées économiques et écologiques. Néanmoins, le suivi scientifique2 montre que, sur le premier site expérimental, la repousse du roseau est déjà intéressante même si toutes les caractéristiques recherchées pour sa valorisation ne sont pas encore atteintes. En revanche, la roselière du deuxième site semble s’être affaiblie et la question se pose de la répercussion du changement de matériel et de technique de coupe (broyeur au lieu de barre de coupe).
Les programmes de suivis en cours devraient apporter l’éclairage nécessaire à une prise de décision.

1. La deuxième après la Camargue. • 2. En partenariat avec l’université de Rennes.