Petite Camargue gardoise (30)

Vices et vertus d’un contrat signé avec une entreprise

 
Au-delà du choc des cultures… bien des avantages…

Espaces naturels n°28 - octobre 2009

Le Dossier

Carole Toutain
Petite Camargue gardoise

 

Il est rare, en France, que les contrats Natura 2000 soient conclus avec des sociétés privées. C’est
pourtant chose faite sur le territoire de la Petite Carmargue gardoise où la société Listel (bien connue pour son vin) s’est engagée dans cette démarche. Signé en 2008, le contrat entre Listel et l’État respecte le document d’objectif Natura 2000 et le plan de gestion des espaces naturels du domaine de Jarras (Listel) qui veut « favoriser la reproduction des espèces animales et notamment des laro-limicoles1 ». Ainsi, la société viticole s’engage à réaliser des îlots et un radeau de nidification pour les mouettes, sternes et avocettes élégantes, autant d’espèces de laro-limicoles se reproduisant sur la zone de protection spéciale Petite Camargue laguno-marine. L’État et l’Europe assurent le financement.
Conclu avec une société de renommée internationale, un tel accord fait la démonstration que Natura 2000 n’est pas réservé aux initiés à l’écologie et que la directive Habitat s’adresse aussi aux entreprises. Il faut souligner également que la stratégie de communication menée par Listel permet la valorisation de la politique Natura 2000 auprès des usagers du territoire. 
Cependant, l’engagement d’une entreprise dans un tel dispositif ne va pas sans difficulté. La complexité des documents à produire pour le dépôt du dossier, par exemple, peut effrayer les signataires. Pour cette raison d’ailleurs, le syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise, animateur Natura 2000, vient en appui des contractants, les aidant au montage du dossier. Mais surtout, la culture entrepreneuriale ne relève pas des mêmes leviers que la gestion d’espaces naturels et les actions à mener sont souvent déconnectées de l’activité productrice. Aussi, lorsque les travaux sont réalisés en interne (c’est le cas de Listel), il est nécessaire que les salariés s’approprient la démarche.
L’obligation de planifier les travaux pendant les cinq années du contrat et ce dès le dépôt du dossier, constitue une autre difficulté. En effet, l’entreprise doit être capable de planifier les tâches dans son plan de charge. Listel, par exemple, a dû identifier les personnes ressources pour la mise en œuvre et le suivi du contrat.
Par ailleurs, les frais engagés doivent être avancés par le signataire et ne sont remboursés que sur présentation de justificatifs. Aussi, lorsque les tâches sont réalisées en interne, il s’avère que le contractant a des difficultés à produire une facture justifiant de la dépense.
Sur le territoire, la signature d’un tel contrat marque le début d’un partenariat entre les entreprises et le syndicat mixte au bénéfice de la valorisation du patrimoine naturel : un autre contrat Natura 2000, visant l’élimination des espèces végétales envahissantes, est prévu pour l’année 2009. D’autres entreprises sont également engagées dans la démarche ; c’est le cas des Salins du Midi, qui œuvrent aussi en faveur de la reproduction des laro-limicoles.
L’implication d’acteurs ayant un impact important sur les milieux, notamment par leur maîtrise foncière, permet de donner du sens à la politique contractuelle de Natura 2000 en rapprochant l’intérêt privé de l’intérêt général.

1. Laridés (mouettes et goélands), sternidés (sternes et guifettes), limicoles (petits échassiers) tous inféodés, en Méditerranée, au littoral ou à ses habitats proches.