Génie écologique

Le câble-mât : débarder sans abîmer

 

Espaces naturels n°55 - juillet 2016

Méthodes - Techniques

Thierry Leroy,
Réserve naturelle Chastreix-Sancy, 
Christèle Roudeix, 
département du Puy-de-Dôme,
Mickael Vericel, 
Office national des forêts

Lors d’une exploitation forestière dans un espace naturel sensible, le débardage aérien par câble-mât offre une solution adaptée et cohérente. Souvent réservé aux exploitations dans des secteurs au relief difficile voire inaccessible, le câble-mât peut être également utilisé dans d’autres circonstances, pour préserver les sols et les végétations.

Le câble-mât : débarder sans abîmer

Un coût plus conséquent pour le débardage par câble-mât, largement compensé par l'absence de frais de remise en état du site. © Réserve naturelle Chastreix-Sancy

La technique a été testée avec succès en moyenne montagne auvergnate à 1 300 mètres d’altitude sur un chantier de grande ampleur lors de la restauration écologique et paysagère d’une plantation d’épicéas de 46 hectares avec extraction de 6 000m3 de bois (cf. ci-dessous).

UN PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT ORIGINAL ET ÉCOLOGIQUE
L’extraction des bois s’effectue par une machine possédant un mât vertical de 10 à 12 mètres, auquel est relié un câble porteur, d’une longueur de 600 à 850 mètres linéaires, installé dans un layon d’exploitation et retenu en bout de ligne par un arbre dit « terminal ». Tous les 150 mètres, des arbres servent de supports intermédiaires à ce câble afin de favoriser la stabilité du dispositif. Ce câble immobile supporte un chariot qui se déplace grâce à un câble tracteur contrôlé depuis la machine. Ce chariot est équipé d’un câble pêcheur motorisé (capacité de traction de 1 à 4 tonnes) qui permet la collecte des bois dans un rayon de 45 mètres, puis leur portage. Autour du layon, les bois sont abattus manuellement.

Ce rayonnement autour d’un point fixe offre un large champ d’action, spatial et technique, optimisant une gestion précise des milieux forestiers en termes de densité ou de choix des essences. Les sylvicultures par trouées ou irrégulières sont alors facilitées. 

La machine câble-mât consomme peu de carburants et ses déplacements sont nuls après installation. Les derniers prototypes tendent même vers une très faible dépendance aux énergies fossiles, avec le déploiement de chariot électrique. Cette évolution conduit aussi à une diminution des nuisances sonores.

Le câble-mât reste onéreux : 19,5 euros contre 12,5 euros le stère avec un système traditionnel. Ce surcoût est toutefois atténué par les frais de remise en état du site qui sont négligeables par débardage aérien et souvent conséquents avec les techniques classiques (de l’ordre de 2 à 4 euros le mètre linéaire de piste forestière).

Le débardage aérien maintient la productivité forestière, avec des terrains rendus non dégradés, non tassés, et sur lesquels la végétation ou une nouvelle plantation s’installera rapidement.

LE CÂBLE-MÂT : UNE TECHNIQUE RESPECTUEUSE DES MILIEUX NATURELS
Le département, aidé de ses partenaires (réserve naturelle et Office national des forêts), a donc opté pour ce système d’exploitation. La parcelle forestière située dans un espace protégé montagnard présente des sols non portants où une exploitation traditionnelle aurait occasionné des dégâts importants sur les zones humides et les cours d’eau. Le recours au câble-mât est apparu comme une solution intéressante : l’extraction des bois s’effectue par portage des grumes et seuls les houppiers sont en contact avec les milieux naturels, de fait « survolés ».

Cette méthode originale présente aussi d’autres avantages :
• l’acheminement des grumes vers une place de travail fixe évite la création de dessertes forestières. Les porteurs forestiers ne traversent pas l’espace naturel. Les sols sont préservés de toute dégradation physique (ornières, tassements…) ou chimique (hydrocarbures…) ;
• la technique permet d’être moins tributaire des aléas climatiques, notamment ceux liés à l’humidité des sols, et d’assurer une exploitation en continu ;
• le déplacement moindre de véhicules sur le chantier réduit aussi les risques de pollutions et de contaminations de la ressource en eau. 

Ce mode d’exploitation favorise également une image responsable et exemplaire de la gestion forestière.

DES RÉSULTATS À LA HAUTEUR DES ATTENTES AVEC DES AMÉLIORATIONS À APPORTER

La technique a montré toutes ses qualités. Après exploitation, les parterres forestiers sont en excellent état, tant les sols que la végétation. Les zones humides sont intactes. Une fois les installations en place, le débit d’exploitation a été conséquent et même équivalent à celui d’un système classique d’exploitation.

Trois principales difficultés ont été rencontrées :
les arbres sur pied peuvent être abîmés par frottement lorsque le layon d’exploitation n’est pas suffisamment large ou que la ligne est mal conçue ;
le chemin d’accès doit être suffisamment porteur pour supporter le poids de la machine câble-mât ;
la place de travail, où se côtoient la machine câble-mât, la pelle avec tête abatteuse et les engins d’extraction des bois, doit être bien organisée et doit éviter toute pollution. L’utilisation de plateau porte-grumes et billons limite le volumineux stockage de bois sur la place de travail.

UNE MISE EN OEUVRE QUI DOIT ÊTRE BIEN CADRÉE
L’utilisation de cette technique nécessite l’emploi de câblistes, des prestataires spécialisés peu répandus en France mais très nombreux dans les pays de l’est de l’Europe. C’est pourquoi la disponibilité des entreprises est faible et il faut compter sur un délai d’environ deux ans. Il est donc courant d’observer la sous-traitance à des cablistes étrangers, ce qui complique les échanges et l’explication des consignes.

L’organisation du chantier se doit aussi d’être rigoureuse : emplacement des places de travail, des lignes de câble, sens de rotation des lignes. Cette logistique permet de fluidifier l’évacuation de la place de travail, tout en assurant la sécurité des travailleurs et en diminuant les risques de pollution.

Pour bénéficier d’une prestation de qualité, tout en diminuant les coûts, il est préférable de responsabiliser l’entreprise avec des consignes de prélèvement à l’hectare et en marquant les arbres à préserver, plutôt qu’un martelage préalable des arbres à prélever.

Au vu de cette importante logistique, un maître d’oeuvre qualifié est évidemment indispensable pour bien suivre et organiser le chantier.