Un développement durable qui vient des communautés locales

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

Vu ailleurs

Marie-Pierre Clavette
chargée de projet
Hélène Godmaire
chercheuse

La réserve mondiale de biosphère Manicouagan-Uapishka (RMBMU) a accompagné le territoire dans le développement de sa propre idée du « durable » et du « responsable ». Une démarche intitulée Ma ville Ma voix, qui permet de construire collectivement la vision d’une région modèle de développement durable.

Au sommet des Mont Groulx

Au sommet des Mont Groulx © Micheal Jones

La RMBMU a joué son rôle d’accompagnement de la communauté dans le développement d’une vision intégrant le développement durable et responsable. Elle a pour cela organisé en 2009 un forum de mobilisation afin de rassembler les acteurs du développement local et régional autour des enjeux socio-économiques et environnementaux. En effet, les enjeux de conservation et de durabilité sont omniprésents dans le contexte d’éloignement des grands centres du sud du Québec, d’exploitation des ressources naturelles et d’une occupation du territoire par une population réduite et dépendante de l’industrie qui fluctue selon les aléas de l’économie globale. À cela s’ajoutent d’autres enjeux socio- économiques tels que l’insuffisance de l’offre en éducation supérieure, une culture entrepreneuriale limitée et un attachement au territoire changeant au gré des marées économiques. Le leadership de la ville-centre est ainsi apparu essentiel. Rapidement, Baie-Comeau a répondu à l’appel. Ensemble, la RMBMU et la municipalité ont donc entamé en 2011 une démarche ambitieuse, inspirée librement de l’Agenda 21 local, visant à se doter d’un plan de développement durable (DD) à l’échelle de la collectivité (1).

UNE CO-CRÉATION DÈS LE DÉPART

Dès les premières étapes de la démarche, intitulée Ma Ville Ma Voix, la population a été invitée à participer à l’élaboration du document-cadre, soit la politique de développement durable de la collectivité (2). Ainsi, l’approche éthique, qui définit les principes, les axes et les orientations permettant de sélectionner les propositions citoyennes qui allaient être soumises lors des forums qui en découlaient, a été co-créée.
Cette première phase a permis de se doter d’une vision claire et partagée du futur souhaité par la collectivité, et ce, en utilisant des techniques encourageant la convergence des idées et des solutions telles que le forum ouvert (3) et le café de conversation (4).

EN COLLABORATION AVEC LES SERVICES DE LA VILLE

Le conseil municipal et les directeurs de services, guidés par la RMBMU (5) dans la mise en place de ces changements rapides, ont été confirmés comme des alliés incontournables, facilitant l’adoption d’un plan d’action et d’une politique dans des délais particulièrement courts. La communication a joué un rôle-clé dans cette aventure. La RMBMU et le service des communications de la ville ont travaillé de concert afin d’inviter massivement la population à participer et rendre compte des progrès accomplis. Au bilan, les évènements et les outils développés ont été :

forums citoyens annuels,
forums annuels des intervenants (organismes ayant un rôle dans la gouvernance territoriale),
forum jeunes citoyens au Cégep de la région,
journée de ressourcement des employés,
site web,
panoplie d’outils de communication (pub radio enregistrée par la mairesse, carte postale envoyée dans tous les foyers, capsule vidéo de citoyen ayant fait cheminer une idée vers un projet concret, etc.).
Outre la mobilisation de soixante-dix organisations locales et régionales, la mise en place de treize projets et la participation de 220 personnes aux forums citoyens annuels tenus depuis 2011, l’exercice aura permis d’effectuer un diagnostic continu des actions de développement durable et de stimuler de nouvelles initiatives. L’autonomisation des acteurs est sans contre-dit une des retombées les plus importantes. Parmi les défis à relever en continu, il y a l’implication directe et soutenue des employés municipaux et le maintien du niveau d’engagement des élus lors de changement de leadership.

Finalement, des enjeux pratiques de mobilisation ont nécessité une animation rigoureuse et habile pour tenir compte :
des écarts de connaissances et de compétences des participants,
des capacités variables des acteurs à participer, à soumettre des idées et des projets, et à convaincre d’y adhérer,
de la diversité des personnalités, et des différentes attentes et motivations.

POUR LA SUITE ET AU-DELÀ DES LIMITES DU TERRITOIRE

La démarche baie-comoise évolue et inspire. Dans sa foulée, l’aluminerie Alcoa de Baie-Comeau a créé, en 2012, un nouveau programme de financement dédié à la communauté : le Fonds aluminerie de Baie-Comeau pour les collectivités durables. Doté de 10 millions de dollars sur 25 ans, le Fonds injecte 400 000 dollars par année dans les projets locaux. Confiante des impacts positifs et du potentiel innovateur, Alcoa a initié le déploiement de la formule participative Ma Ville Ma Voix dans les autres municipalités québécoises où l’aluminerie est active, en s’adjoignant la RMBMU à titre d’agent de réseautage.

Récemment, un nouvel espace participatif, le forum des étudiants, réunissait des étudiants universitaires originaires des municipalités dotées du fonds, afin de réfléchir sur le futur de la démarche. L’étape à venir est celle de l’évaluation du programme et de ses retombées. Cette étape est cruciale afin de saisir les transformations et les meilleures pratiques de la démarche itérative Ma Ville Ma Voix qui incite à une évolution continue, tant des pratiques, que des postulats éthiques co-construits.
Ce projet démontre bien le potentiel du statut d’espace protégé comme instigateur de dialogue et d’engagement des collectivités dans la conceptualisation et la réalisation d’espaces où l’homme et la nature évoluent en harmonie.