Les enfants, acteurs pour leur patrimoine naturel
Espaces naturels n°56 - octobre 2016
Benjamin Beaufils, chargé de mission Natura 2000
Laetitia Marie, chargée de mission Éducation
Quand ce sont les enfants qui conçoivent les outils de sensibilisation, on fait coup double : les messages sont adaptés et les concepteurs sont mobilisés. C'est la philosophie du PNR Normandie-Maine, qui fait appel à la créativité des écoles depuis 2011 dans ses actions pédagogiques.
Comme tous les gestionnaires d’espaces naturels, le Parc naturel régional Normandie-Maine cherche régulièrement à mobiliser habitants, usagers et élus afin qu’ils cernent au mieux les enjeux de conservation et comprennent le sens des actions, des outils ou des politiques environnementales.
Depuis 2011, gestion et pédagogie ont été alliées afin de mettre en place une approche faisant appel à la créativité des écoles situées sur les onze sites Natura 2000 que le Parc anime. Ciblé prioritairement sur le jeune public, notamment les 9-11 ans, le fil conducteur de cette démarche est de faire de ces futurs citoyens, des acteurs de leur apprentissage, conscients des richesses naturelles secrètement présentes sur leur territoire. Le travail de sensibilisation et d’appropriation de ce patrimoine constitue aussi un préalable nécessaire pour prendre conscience de la fragilité de l’environnement qui les entoure et du rôle qu’ils peuvent jouer dès à présent.
Grâce à des médias facilitant l’expression libre tels que le dessin et la vidéo, six projets pédagogiques ont ainsi vu le jour : organisation de quatre concours BD (Faune en bulles), réalisation d’un film documentaire (En’quête de Mulettes) et de courts métrages de type « plaidoyer d’espèces » (NaturA l’école). Durant quatre années, l’Écrevisse à pattes blanches, le Busard Saint-Martin, le Grand rhinolophe, le Grand murin, la Loutre d’Europe, le Triton marbré et la Mulette perlière ont ainsi fait l’objet de l’attention particulière des neuf-cent-cinquante enfants qui les ont étudiés.
L’accompagnement du Parc s’est principalement concentré sur des phases clés des projets :
• sensibilisation aux côtés des enfants par la mobilisation de son équipe autour des éléments de compréhension sur l’espèce (cycle de vie, spécificités…) ;
• coordination technique par la mobilisation d’acteurs locaux (agriculteurs, élus…) et de prestataires externes (réalisateur, bédéiste...) pour la scénarisation ou le montage vidéo.
Faire le pont entre toutes les compétences du territoire permet d’ancrer techniquement et scientifiquement le projet et favorise la dimension participative des enfants afin de répondre au mieux à leurs besoins, leurs envies de découverte au fur et à mesure de leurs avancées sur le sujet.
Outre cet ancrage territorial, chacun de ces projets a fait l’objet d’une validation initiale et d’un suivi par l’Éducation nationale. Cette collaboration fait d’ailleurs l’objet d’une convention de partenariat entre les rectorats, les directions académiques et le Parc.
Loin d’être anecdotiques, de telles actions ne peuvent être réalisées sans ce soutien. Un projet pédagogique est certes un projet de découverte mais il ne faut pas pour autant oublier le cadre dans lequel il est réalisé car « projet de classe » dit aussi « apprentissages » et « programmes scolaires » à respecter. La dimension ludique et innovante de ce type de projet peut aussi être un support pour l’enseignant tout au long de l’année pour d’autres disciplines scolaires alliant ainsi histoire-géographie, sciences de la vie, lettres, etc. et d’autres notions (cycles de l’eau, classification, chaine alimentaire…).
Outre le lien interdisciplinaire, utiliser l’entrée « espèce animale » permet ainsi, par une approche à la fois sensible et scientifique, de renforcer le lien et l’envie de découvrir l’environnement et le territoire de vie de ces animaux. Bien que méconnus au départ, l’animal et sa cause deviennent rapidement un véritable étendard sur son milieu et font de ces jeunes de véritables ambassadeurs de sa conservation.
La réappropriation de ce patrimoine naturel par les habitants constituait l’objectif initial de ces projets. Le travail des élèves a permis de créer une dynamique d’échanges auprès des habitants, des parents d’élèves et des élus locaux. Pour exemple, ce soutien à la cause de la Mulette perlière observé en marge des projets pédagogiques sur le territoire va bien au-delà. Sur le volet économie sociale et solidaire, le système d’échange local (SEL) de St-Denis-sur-Sarthon (Orne) a été rebaptisé au profil de cette espèce (1 heure = 60 mulettes). En Mayenne, ce sont les élus qui ont choisi de créer la « rue de la mulette ».
Diffusées aux niveaux local, régional ou national, les productions sont aujourd’hui régulièrement utilisées comme supports d’échanges lors de conférences, de réunions de travail ou de comités de pilotage. D’autres partenaires se sont également appropriés ce travail et valorisent ces réalisations sur leurs territoires. Finalement, le regard et la parole des enfants sur une problématique permettent de lever de nombreuses barrières et ainsi de toucher directement les habitants et les riverains créant ainsi un point d’entrée favorable pour la mission du gestionnaire.