Logiciels libres

Geotrek : tout sur les sentiers... en ligne

 

Espaces naturels n°48 - octobre 2014

Méthodes - Techniques

Camille Monchicourt
Pierrick Navizet

Un cheminement collaboratif et « libre (1) » de trois ans a donné naissance à Geotrek, un outil de gestion et de valorisation des itinéraires de randonnée sur internet. Il regroupe désormais une communauté d’utilisateurs et de développeurs qui mutalisent leurs moyens et leurs compétences. Rando-Écrins et Rando-Mercantour en sont les deux premiers portails grand public.

geotrek

© Pascal Saulay - Parc national des Écrins

« Dès le départ, nous avons pensé le projet pour qu’il puisse être déployé dans d’autres structures dans des contextes différents des notres, » se souvient Camille Monchicourt, géomaticien et responsable du pôle système d’informations au Parc national des Écrins. Il a coordonné la création d’un outil, conçu avec deux autres parcs nationaux et aujourd’hui potentiellement enrichi par d’autres structures. Geotrek permet à la fois de gérer un réseau de sentiers (tronçons, statuts, signalétique, aménagements et travaux) et de valoriser une offre de randonnée sur le web (itinéraire, points d’intérêt et photos). En 2011, c’est avec le Parc national du Mercantour et son voisin italien Parco naturale Alpi Marittime que l’idée commence à cheminer au-delà des frontières des Écrins. Le soutien financier de l’Union européenne à la démarche transfrontalière (Feder massif alpin et Alcotra) est un coup de pouce déterminant. Si l’analyse relève des besoins semblables pour les trois partenaires, les contextes territoriaux et les organisations de gestion diffèrent. « La nécessité de créer un outil générique, modulaire et paramétrable s’est imposée. Nous souhaitions aussi privilégier l’usage d’outils libres pour favoriser l’ouverture et l’évolution de notre application ».

LE CERCLE VERTUEUX DE L’OPEN-SOURCE

C’est une société toulousaine spécialisée dans les logiciels libres, Makina Corpus qui a été recrutée par appel d’offre. Elle s’engage alors dans une collaboration forte avec les trois parcs « initiateurs », convaincue de développer un outil capable de répondre aux besoins de nombreuses structures de gestion d’itinéraires... et pas seulement de randonnée. Il s’agit d’imaginer le projet comme un « produit transférable ». La publication sous licence libre, avec la possibilité que l’outil soit réutilisé par d’autres prestataires n’est pas évidente à appréhender de prime abord. Pourquoi certains investiraient pour d’autres qui en bénéficieraient gratuitement ?

L’intérêt de la démarche est collaborative : le fonctionnement en « open source » permet à chacun de bénéficier mais aussi d’enrichir l’outil au profit de tous. Ce cercle vertueux oblige à réorganiser son système de pensées. « Nous avons tout imaginé de manière générique, en évitant une logique trop spécifique aux Écrins ou aux parcs nationaux, résume Camille Monchicourt, pour que cela puisse être utilisé par d’autres structures. »
Les compétences en géomatique et en développement d’outils web de l’équipe des Écrins, déjà en oeuvre pour les protocoles d’inventaires et de suivis scientifiques, ont aidé à définir les besoins essentiels. La réflexion a bénéficié du savoir-faire de valorisation numérique de la randonnée du Mercantour. Le partenariat avec un parc italien a conduit à un positionnement multilingue. La collaboration génère une intelligence collective, une créativité renforcée et des économies d’échelles. La mutualisation à trois a permis d’aboutir à des solutions simples et pragmatiques pour des besoins génériques, permettant ensuite à d’autres structures de s’approprier l’outil, quitte à le compléter pour leur propres besoins.

UN SOCLE SIMPLE ET UNE OUVERTURE DES DONNÉES

« Pour la valorisation de la randonnée, les référentiels sont relativement cadrés et partagés » précise Pierrick Navizet, chargé de mission éco-tourisme au Parc national des Écrins. « Ce sont ceux que l’on retrouve dans les guides de randonnée : difficulté, dénivelé, temps de marche, description de la randonnée « pas à pas »... Pour le volet « gestion » également, le choix de la simplicité a été déterminant : segmentation dynamique pour la cohérence des tronçons, signalétique, aménagements, travaux. »

Le projet est transversal et structurant. Il permet d’organiser, regrouper et partager l’ensemble des données et compétences relatives à la gestion des sentiers, en impliquant les gestionnaires des sentiers, et ceux qui les entretiennent tout en mobilisant les partenaires touristiques, la photothèque numérique et la connaissance du territoire.

La mise à disposition de données scientifiques est permise sous la forme de points d’intérêt ayant trait aux patrimoines : c’est une plus-value importante des parcs nationaux qui partagent ainsi leur connaissance. Geotrek est également ouvert sur d’autres systèmes d’information en offrant, notamment, la possibilité de valoriser des webservices touristiques à travers des flux de données (hébergements, lieux d’informations).
En juillet 2013, après de nombreux échanges avec les développeurs de Makina-Corpus, Geotrek a été installé sur les serveurs des 3 parcs et Rando-Ecrins a été lancé avec 33 itinéraires renseignés par les agents du Parc national. En 2014, ce sont 100 d’itinéraires qui sont mis en ligne et 55 000 visiteurs ont vu le site en un an. Depuis, le portail Mercantour-Alpi Marittime a vu le jour. Progressivement, différents types de structures se retrouvent dans Geotrek : des parcs nationaux et régionaux mais aussi des communautés de communes, des conseils généraux ou des syndicats mixtes... qui peuvent profiter des développements existants.

Certains apportent de nouvelles fonctionnalités qui sont reversées à la communauté des utilisateurs. L’enjeu aujourd’hui est de faire connaître l’outil pour qu’il puisse bénéficier au plus grand nombre et être consolidé plutôt que d’éparpiller les investissements dans d’autres outils similaires. Les efforts portent aussi sur l’animation de la communauté, la cohérence des évolutions, le déploiement, la maintenance et l’enrichissement de l’existant.

 

(1) L’open source ou le libre ne veut pas dire « gratuit » mais désigne un logiciel dont le code source est accessible et redistribuable.