Au risque d’éroder le climat de confiance

 

Espaces naturels n°28 - octobre 2009

Le Dossier

Christian Deverre
Directeur de recherche à l’Inra

Natura 2000 ! L’ambition du réseau issu des directives Oiseaux et Habitats est d’identifier et de protéger un nombre significatif de sites représentant les habitats naturels et semi-naturels et les zones essentielles au maintien de la faune et de la flore en péril à l’échelle du continent européen. La mise en œuvre de mesures de conservation couvre entre 10 et 25 % de la superficie des États membres.
Cette expansion des zones protégées, au-delà des espaces désignés par une protection réglementaire tels que les parcs nationaux et réserves naturelles, a entraîné l’intégration dans les périmètres des sites de nombreuses propriétés privées et de zones où se développent des activités forestières, agricoles, d’élevage et de loisirs. Les directives européennes n’émettent aucune recommandation sur la manière de traiter les potentielles oppositions entre la sauvegarde du bien public de la biodiversité et le maintien des droits privés de propriété et d’usage : elles laissent les États libres de déterminer les conditions de mise en œuvre des mesures de protection, l’évaluation ne portant que sur les résultats. Cependant, la directive Habitats se situe explicitement dans la perspective du développement durable, affichant la possibilité de concilier usages privés et protection de la nature par la définition de pratiques de gestion des milieux adaptées à leur bon état de conservation.
En France, après une levée de bouclier initiale de groupements d’intérêts, les pouvoirs publics ont mis en place, à partir de 1998, des structures de concertation sur chaque site pour définir des objectifs et moyens de gestion (documents d’objectifs), s’engageant à ce que ceux-ci se traduisent par des mesures contractuelles volontaires. Les contrats Natura 2000, dont l’essor est bien engagé, sont l’aboutissement de ces centaines de débats collectifs portant sur la conciliation des activités rurales avec la protection de la biodiversité.
Aujourd’hui, à la demande de la Commission européenne, ressurgit la perspective d’une stricte application du dispositif réglementaire d’évaluation des incidences des activités, conduites sur les sites du réseau Natura 2000. Si elle se concrétise sans tenir compte des acquis de la concertation (qui a eu lieu au moment de la définition des documents d’objectifs et qui a débouché sur la première vague des contrats Natura 2000), le risque existe de détériorer, sur beaucoup de sites – et non des moindres –, le climat de confiance et de coopération qui s’est instauré entre protecteurs de la nature et usagers privés de ces territoires.