L’Observatoire photographique du paysage
Après la mission photographique lancée par la Datar dans les années 1980, après la création de l’Observatoire photographique national du paysage sous la responsabilité du ministère de l’Environnement en 1989, d’autres institutions se sont lancées dans l’aventure des observatoires photographiques du paysage… Pourquoi ? Comment ?
Le label « Grand site de France » oblige le gestionnaire à proposer des outils d’évaluation et de suivi de sa politique. L’Observatoire photographique du paysage est une des solutions fortement préconisée. Du reste, le dossier de demande de labellisation d’un site doit comporter un état initial du paysage composé d’une première campagne de prises de vues. Aussi, de plus en plus nombreux, les grands sites mettent en place un Observatoire photographique du paysage1, moyen simple de suivi et d’aide à la gestion. Chaque observatoire développe ses propres méthodologie et grille d’analyse. Si celle-ci dépend de la taille du territoire et du type de gestionnaire, la méthodologie définit toujours à quel rythme s’effectuent les photographies, combien de prises de vues sont nécessaires, sous quels angles et à quelles saisons elles doivent être prises.
Mettre en place
la méthodologie
Sur le site du pont du Gard, l’Observatoire photographique du paysage a été mis en place en 19982, avec une première série de clichés choisis pour être les révélateurs de l’évolution du paysage.
L’observatoire a été pensé comme un outil de suivi permettant de s’interroger sur les évolutions souhaitées ou non (fermeture d’un paysage par exemple), de pallier des processus naturels ou anthropiques imperceptibles au jour le jour et d’engager les interventions nécessaires.
Les objectifs de gestion de ce site de 165 hectares visent la conservation des abords du monument et de son écrin naturel, tout en conciliant l’accueil du public, son confort et sa sécurité. Aussi, le choix des prises de vues prend-il en compte les cheminements soumis à une forte fréquentation mais aussi les endroits plus à l’écart. Des lieux soumis à de fortes transformations liées aux travaux d’aménagement (bâti) ou aux modifications naturelles (crues, évolution des berges) sont observés avec attention.
D’autres critères primordiaux comme des panoramas offrant des vues globales sur le monument ou depuis le monument vers le paysage lointain sont également pris en compte.
Afin de maîtriser le coût, vingt-cinq vues seulement ont été distinguées. Elles sont reconduites du même angle de vue et à la même période, chaque année. Le coût annuel est compris entre 2 000 et 2 500 euros HT. Il comprend les vingt-cinq prises de vues, leur tirage sous format papier et leur numérisation informatique.
Les éléments d’analyse
Accumuler les images n’est pas une fin en soi. La question est de savoir comment les analyser d’autant qu’il existe peu de méthodes totalement satisfaisantes à ce jour. Deux systèmes d’analyse complémentaires ont donc été mis en place :
• un document-cahier, sorte de guide de travail, analyse chaque image. Chaque photographie de l’année est confrontée à celle des deux années précédentes. Un constat est d’abord fait en termes de présence et d’absence. Il reprend les éléments du cliché par leur apparition, disparition ou maintien. Une analyse générale est ensuite apportée. Le guide de travail signale alors les actions à mener qui en découlent ;
• un comité de suivi regroupe des membres qualifiés experts du comité scientifique (agronome, géographe, paysagiste), des services de l’État (Diren, SDAP3), le photographe et les techniciens du site du pont du Gard. Ce comité a participé à la mise en place de l’Observatoire, notamment à la sélection des prises de vues. Il se réunit une fois l’an avec pour objectif de prendre du recul sur les mécanismes de transformation de l’espace. Le comité fonde son travail sur le document-cahier précédent.
Avec la pratique, le fonds photographique du site évolue. Certains clichés sont abandonnés au profit d’autres, plus pertinents ou correspondants à des vues de détails. Le site du pont du Gard est ouvert à l’échange d’expériences afin d’améliorer et affiner les techniques d’exploitation de l’outil. Les gestionnaires insistent également sur l’importance de missionner un photographe professionnel. Certes, parce que la qualité des clichés détermine la valeur de l’analyse, mais aussi parce que le but est de conserver la mémoire du site et de sensibiliser le public aux évolutions du paysage. La dimension esthétique et professionnelle des photos autorise alors que l’on puisse les exposer et les publier, faisant de l’observatoire un outil pédagogique en direction des utilisateurs et des décideurs.
1. Puy Mary – volcan du Cantal, massif de la Sainte Victoire, massif dunaire de Gâvre-Quibron, pointe du Raz, aven d’Orgnac, massif du Canigò, etc.
2. Par Véronique Mure, en même temps que l’opération Grand site.
3. Services départementaux de l’architecture et du patrimoine.