>>> Forêt domaniale du Luberon

L’utilisation contrôlée du feu

 
nous l’avons testée

Espaces naturels n°12 - octobre 2005

Le Dossier

Lionel Kmiec
Responsable de la cellule de brûlage dirigé du Vaucluse ONF - Unité territoriale du Luberon

 

Dans le Vaucluse, sur le territoire du Parc naturel régional du Luberon, les actions d’écobuage se doublent d’une autre préoccupation : la préservation des espèces et de leurs habitats. Bilan après cinq ans d’expérience…

Dans la forêt domaniale du Luberon (3 300 hectares), la richesse mais aussi la fragilité des espèces liées aux pelouses sèches de crêtes et plateaux calcaires nécessitent des interventions importantes et coûteuses. En effet, ces milieux proposent un cortège floristique très varié (orchidées, genêt de vilars…) et un grand nombre d’oiseaux.
Le seul couple d’aigles de Bonelli du Vaucluse niche sur ce territoire. Il est tributaire d’un territoire de chasse pourvu en perdrix qu’il peut capturer. L’avenir de toutes ces espèces dépend de notre capacité à repousser la fermeture du territoire.
C’est pourquoi dès 1990, l’ONF, organisme gestionnaire, a engagé une série d’actions d’entretien et de reconquête des milieux ouverts en étroite collaboration avec le Parc.
Dans un premier temps, et pendant dix ans, le choix s’est porté sur le pâturage, accompagné de travaux de broyage mécanique. Plus de 500 hectares ont ainsi été travaillés. Mais cette technique a vite montré ses limites. En effet, il est impossible d’effectuer un broyage intégral sur les plateaux caillouteux ; impossible aussi d’agir sur les terrains qui accusent une pente. De plus, le broyat issu des travaux constitue une pellicule plus ou moins épaisse qui bloque la pousse de l’herbe sans nuire à la dynamique des rejets arbustifs.
Nous sommes là à l’opposé de l’objectif qui consiste à favoriser la strate herbacée et réduire la strate arbustive. Ceci est d’autant plus vrai que, parcourant un vaste territoire peu herbeux, les troupeaux ovins passent très vite sans consommer les ligneux.
Depuis cinq ans, des personnels de l’ONF se sont alors formés à la technique du brûlage dirigé pour réduire les surfaces traitées en broyage mécanique. Les avis des spécialistes du Parc (faune, flore, insectes) ont été utiles pour intégrer des principes de précaution. Aujourd’hui, 50 hectares sont traités.
Cette technique permet de travailler dans toutes les pentes et dans les milieux rocheux. Elle permet d’améliorer les parcours des troupeaux en éliminant toute barrière végétale entravant le déploiement des animaux.
La grande masse combustible est consommée pendant le brûlage dirigé. Néanmoins, 30 % de la surface est conservée intacte sous forme de petits îlots de végétation qui ne sont pas brûlés. Il s’agit prioritairement de vieilles cépées de chêne ou de vieux arbustifs (genévriers, filaires,…). Ces îlots constituent des refuges pour le petit gibier et sont attractifs pour l’avifaune. Ils permettent également de sauvegarder les insectes les plus intéressants, lesquels sont plutôt localisés dans les vieux ligneux.
Enseignements
Le bilan de cette expérience permet de conclure :
- la combinaison technique alternant pâturage et brûlage est efficace ; le taux de recouvrement de la strate herbacée est passé de 15 % à près de 40 % ;
- l’aménagement alvéolaire est tout à fait adapté à
la perdrix et les brûlages ne la dérangent pas.
Ce constat a été fait lors de suivi d’animaux équipés de colliers émetteurs. Par ailleurs, la prédation par l’aigle de Bonelli fonctionne bien ;
- le suivi floristique des espèces protégées ou rares montre leur stabilité ou leur développement ;
- la technique du brûlage dirigé est souvent moins coûteuse que le broyage mécanique. Dans les milieux de garrigue, il est possible d’abaisser le coût de moitié en optimisant la technique. Les drailles créées par les troupeaux permettent de brûler sans travail de préparation (layon de sécurité, débroussaillement au pied des arbres ou arbustifs).
Pour parfaire cet enseignement, il ne faudrait pas omettre l’aspect communication. Celle-ci est indispensable. En effet, si la population rurale (éleveur, agriculteur, chasseur) admet l’usage de cette technique, il est beaucoup plus difficile de la faire accepter par les citadins ou les néoruraux.
Aujourd’hui, le document d’objectif du dossier Natura 2000 du Luberon, piloté par le Parc, préconise un programme d’actions fondé sur le binôme brûlage dirigé et pâturage.