L’outrage à agent

 
Comment il est géré à l’Office national des forêts…

Espaces naturels n°16 - octobre 2006

Droit - Police de la nature

Julie Gaston
Juriste conseil, Département juridique à Paris
Jean-Claude Mas
Responsable de la mission Juridique, foncier et concessions pour la Direction territoriale Méditerranée
 

En cas d’outrage : faut-il porter plainte ? Demander des dommages et intérêts ? Avertir sa hiérarchie… Se porter partie civile ? Seul ou avec son établissement ? Voici comment réagit l’ONF.

Espaces forestiers, dernier refuge de liberté… Urbains ou néoruraux cherchent à fuir les contraintes administratives et réglementaires inhérentes aux modes de vie contemporains. L’espace naturel apparaît alors comme une terre vierge où tout serait permis puisque « la nature est à tout le monde ». À leur grande surprise, ces populations découvrent que loin d’être inappropriés, ces espaces font l’objet d’une propriété privée, jalouse de ses droits, et d’une réglementation protectrice d’autant plus « inacceptable » qu’elle est dirigée à l’encontre de ses aspirations d’aventure1.
Alors se lève le vent de la révolte contre celui-là qui – par ses pouvoirs de police – incarne les entraves inacceptables aux aspirations de liberté. Les personnels assermentés de l’Office national des forêts, dépositaires es-qualité de l’autorité publique (art. 22 du code de procédure pénale) sont ainsi victimes d’agressions, allant de l’outrage à la menace, voire la violence2.
Dans le cadre de l’article 11 du statut de la fonction publique, l’ONF doit assurer la protection pénale de ses personnels fonctionnaires. Cette protection s’organise de manière progressive et complémentaire.
En amont, une note de service diffusée à tous les personnels de terrain de l’établissement leur rappelle les principes de la protection pénale qui leur est assurée et leur donne des conseils quant à la conduite à tenir en cas d’incidents. La formation n’est pas omise. Ainsi, la Direction territoriale Méditerranée3 organise un stage à la psychologie de l’interpellation (cf. Espaces naturels n° 8 -octobre 2004) destiné aux correspondants du réseau territorial Armement ; à charge ensuite pour ses membres de répercuter cette formation dans leurs agences.
En cas d’outrage, de menace ou de violence (ci-après regroupés sous le terme générique « agression »), l’agent avertit sa hiérarchie. Concomitamment, il peut (et c’est souvent le cas) déposer plainte contre l’auteur de l’agression ou contre X. La décision de porter plainte appartient à l’agent, seul, quand bien même l’ONF peut le lui suggérer. Si l’agent agressé choisit de déposer plainte, l’établissement est à ses côtés pendant toute la procédure judiciaire. L’Office national des forêts met un avocat à sa disposition et prend en charge les honoraires ainsi que les frais annexes de procédure.
Par ailleurs, si les faits constitutifs de l’agression sont connexes à une autre infraction, l’agent devra dresser des
procès-verbaux distincts.
Un dépôt de plainte débouche-t-il automatiquement sur une action en justice ? Pour cela, il faut bien sûr que l’agent décide de porter plainte mais aussi que l’auteur de l’infraction soit connu ou, du moins, identifiable. Il faut, enfin, que le procureur de la République décide de renvoyer l’affaire devant la juridiction de jugement. Sur ce dernier point, 52 % des affaires d’agressions répertoriées à l’ONF entre 1991 et 2004 ont donné lieu à des poursuites devant le tribunal. Seules 10 % d’entre elles ont fait l’objet d’un classement sans suite.
Quand l’action se traduit en justice,
le juriste-conseil territorial propose à l’agent un avocat qui assure sa défense et effectue l’interface. Par souci d’efficacité, et dans le cas précis de la Direction territoriale Méditerranée, un avocat référent a été choisi pour chaque région administrative : un à Montpellier, un à Aix-en-Provence. L’enjeu étant, pour l’ONF, d’avoir l’assurance d’un conseil bien au fait de son mode de fonctionnement, de ses métiers et du contexte dans lequel il s’exerce.
Ensuite, et afin de réclamer la réparation de leurs préjudices respectifs, l’avocat constitue l’agent et l’ONF partie civile. En effet, l’ONF est aussi une victime de l’agression. Tout d’abord parce qu’à travers son agent, c’est aussi l’Office que l’on a entendu injurier mais, aussi, parce que l’établissement prend en charge les salaires pendant l’arrêt de travail éventuel consécutif à l’agression.
La question se pose alors de savoir comment se décompose le préjudice de l’agent et de l’ONF ? Pour l’agent, il s’agit de réparer le préjudice physique et moral, et c’est là tout l’intérêt d’un avocat qui saura lui éviter de faire une demande trop faible ou trop élevée.
Pour l’ONF, il s’agit de réparer un éventuel préjudice financier (remboursement des salaires versés pendant l’arrêt de travail, frais médicaux, para-médicaux, pharmaceutiques…), et un préjudice moral.
De façon systématique, l’ONF réclame la condamnation de l’agresseur à l’euro symbolique et à l’insertion de l’extrait du jugement dans la presse locale. n
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>>> Mél :

1. Réglementation dont l’une des plus symboliques est, précisément, celle qui limite la « liberté de circuler » sur des engins à moteur.
2. Avec 19 % de l’ensemble du territoire (métropole et département d’outre-mer), la région méditerranéenne arrive en tête en matière d’agents ONF agressés • 65 % des agressions sont des outrages à agent • 24 % sont des violences •
les 11 % restants étant constitués de dénonciations calomnieuses, dommages aux biens, diffamation, menaces, divers • 27 % des agressions ont un auteur inconnu.
3. L’ONF est organisé en directions territoriales, elles-mêmes subdivisées en agences.
4. PV communiqués par Louis-Gérard d’Escrienne.