Pas de perte en ligne pour la biodiversité

 

Espaces naturels n°48 - octobre 2014

Aménagement - Gouvernance

Marion Binet
CEN, Nord-Pas-de-Calais

 

Dans une région où les infrastructures linéaires couvrent une grande surface, il apparaissait intéressant au Conservatoire d’espaces naturels du Nord-Pas-de-Calais de s’associer à l’industriel pour mettre ne place une gestion concertée répondant aux enjeux écologiques autant qu’à la mise en sécurité du réseau.

© Marc Fourmentin

La Région Nord Pas-de-Calais est une des régions les plus densément peuplées et très marquée par l’urbanisation, ce qui se traduit par une forte présence d’infrastructures liées aux activités humaines (autoroutes, voies ferrées, réseau de transport d’électricité). Une surface importante quadrillant l’ensemble du territoire régional est concerné, ce qui n’est pas sans conséquence sur les espaces qu’ils traversent et notamment les espaces naturels (fragmentation des habitats, création d’obstacles, rupture de continuités écologiques...). L’emprise concernée par le passage de ces réseaux ou des délaissés associés revêt une importance en terme de surface et peut représenter un enjeu important pour les continuités écologiques.
C’est le cas notamment des infrastructures de transport d’électricité gérées par RTE traversant des espaces naturels qui peuvent présenter une grande richesse floristique et faunistique et une diversité importante de milieux. Ainsi une dizaine de sites gérés par le conservatoire est concernée par le passage de ces lignes, confrontant ainsi les enjeux liés à la préservation des milieux et des richesses écologiques aux impératifs liés à la sécurité du réseau et au bon fonctionnement du transport d’électricité.

Le principal impact est la pratique d’une gestion régulière de la végétation sous-jacente dans l’emprise des infrastructures de transport afin de maintenir les milieux ouverts et éviter toute interaction avec les aménagements électriques. En fonction des types de milieux et des espèces présentes, ces interventions peuvent avoir un impact plus ou moins important. Des coupes trop drastiques, répétées ou effectuées à des périodes peu favorables (période de reproduction, floraison...) peuvent avoir des effets délétères sur la faune et la flore présentes.

ROSELIÈRES ET MÉGAPHORBIAIES SOUS LES LIGNES 400 000 VOLTS

Réseau de transport d’électricité nordest et le Conservatoire d’espaces naturels du Nord Pas-de-Calais ont donc souhaité se rapprocher pour entreprendre une gestion concertée répondant aux enjeux écologiques et de mise en sécurité du réseau. Ce partenariat a dans un premier temps été initié, dans le cadre de l’appel à projet national lancé par la FCEN et RTE, sur un site géré depuis 1999 par le Conservatoire en partenariat avec VNF. Il s’agit d’un ancien terrain de dépôt issu du curage du canal de la Haute Colme qui constitue désormais un maillon essentiel de la trame zones humides au sein de la plaine maritime flamande. La pression agricole et urbaine y a conduit à la dégradation de nombreux milieux naturels. Ce site regroupe un ensemble d’habitats naturels hygrophiles diversifiés, constitué de mares, roselières, mégaphorbiaies, fourrés et bois qui abrite plusieurs espèces et habitats d’intérêt patrimonial et notamment l’une des dernières populations de Rainette verte de cette région biogéographique. La présence d’une végétation arbustive constituée essentiellement de saules sous les lignes pose des problèmes de sécurité. Cette végétation, à croissance rapide, nécessite un entretien récurrent pour RTE (tous les 3/4 ans) afin de garantir une distance de sécurité suffisante avec les lignes sus-jacentes.

Cependant, cette intervention régulière est une source de perturbation importante pour le milieu et les espèces associées et s’avère inappropriée quant à la vocation d’espaces naturels préservés. Des objectifs de gestion permettant à la fois le maintien de la biodiversité et la mise en sécurité du site ont été actés par les partenaires. Sous l’emprise de la ligne électrique 400 000 volts, l’objectif est de restaurer des milieux herbacés humides, tels que les roselières et mégaphorbaies. Pour restaurer ces habitats, il est d’abord nécessaire de ré-ouvrir le milieu, de gérer d’éventuels rejets, puis d’entreprendre une fauche exportatrice biennale. D’autres opérations de gestion (étêtage de saules, creusement de mares en faveur de la Rainette verte...), couplées aux suivis scientifiques et à la sensibilisation du public et des scolaires, offrent une cohérence globale au projet.

Ainsi le partenariat a été celé entre RTE, VNF et le conservatoire par la signature d’une convention de 10 ans. Les premiers travaux de restauration ont d’ores et déjà débuté et les partenaires envisagent désormais d’étendre cette collaboration aux autres sites gérés par le CEN et concernés par le passage du réseau RTE.