CPIE Côte provençale

Pédagogie pour un sentier sous-marin

 

Espaces naturels n°35 - juillet 2011

Méthodes - Techniques

Éric Jourdan
Chargé de mission CPIE Côte provençale

 

Le sentier sous-marin se définit comme un outil territorial à vocation pédagogique comprenant une activité sportive de découverte du milieu marin, en autonomie ou accompagnée, sur un site déterminé et sous la responsabilité d’une structure.

Initié en France par le Parc national de Port-Cros, le concept de sentier sous-marin (activité aquatique de découverte, avec au moins un masque) s’est lentement développé en s’appuyant tant sur des associations d’éducation à l’environnement que sur le réseau des aires marines protégées. Le sentier sous-marin répond à une demande sociale. Et s’il génère des retombées financières, il permet de canaliser la fréquentation des sites tout en sensibilisant les publics à la fragilité des milieux. Son atout maître réside alors dans la possible évolution des comportements.

Décider d’un sentier. Qui veut mettre en place ce type de sentier de découverte sous-marine doit alors s’interroger sur la nature de l’animation pédagogique à mettre en œuvre.
Deux types d’activités peuvent être envisagées : une pratique encadrée, avec un guide diplômé ou, a contrario, une pratique autonome dont l’animation prend généralement la forme de panneaux en mer ou de tubas FM permettant d’écouter, dans l’eau, un contenu enregistré.
Si cette deuxième option de sentier sous-marin autonome semble séduisante car le public peut appréhender la découverte à son rythme, elle mérite cependant d’être requestionnée. En effet, la disponibilité intellectuelle des plongeurs et leur capacité d’attention est forcément plus limitée sous l’eau que dans un espace ouvert. De la même manière, il est important de prendre en compte le niveau de compréhension d’une information lue ou entendue lors d’une pratique de loisir.
On notera également que la longueur du texte sur le panneau est forcément limitée et qu’il est difficile de faire évoluer ce contenu, ne serait-ce qu’en coût de fabrication et d’amortissement.
D’autres freins doivent également être pris en compte. Ils touchent à l’encombrement et l’impact sur le milieu de ces outils d’animation et aux coûts de mise en place et d’entretien liés à la dégradation du matériel, particulièrement en mer. Sans compter le décalage entre le message et la capacité d’observation du pratiquant, ou encore l’absence de support/mémoire prolongeant le vécu de l’activité.

Une autre approche pédagogique. Sollicité par la commune de Cassis (13) pour la mise en place d’un sentier sous-marin autonome, le CPIE Côte provençale a réfléchi sur une approche pédagogique adaptée, permettant de répondre aux enjeux du gestionnaire (fragilité du site, gestion de fréquentation, coûts…), aux attentes du public (plaisir, découverte, information…) ainsi qu’à la nécessité de faire évoluer les comportements.
Le parti pris visait à dissocier d’une part le temps de découverte, où le public cherche à vivre une expérience à travers ses sens, d’autre part un temps de la compréhension qui fait appel à la mémoire des situations vécues.

Pendant l’activité aquatique, le pratiquant utilise un guide d’animation immergeable. Celui-ci permet d’accompagner l’appropriation sensorielle du milieu marin en proposant des situations d’observation, d’émerveillement…
Ces situations de découverte sont localisées en mer par une bouée station ayant une forte identité visuelle (couleur et nom) coordonnée avec la fiche du guide immergeable concernée. Le guide d’animation immergeable est remis en prêt aux usagers (groupe de 1 à 4 personnes) avec un engin flottant facilitant également la sécurité.
La mise en œuvre de ce sentier sous-marin autonome s’appuie sur le club cassiden de plongée qui propose aussi une visite guidée.
Hors de l’eau, les pratiquants peuvent ensuite recevoir une information plus détaillée, en lien avec ce qu’ils ont vécu. Pour cela, le livret individuel du pratiquant (donné lors de l’activité) présente les principaux lieux découverts, les enjeux environnementaux sur ces espaces et les comportements à privilégier.
Ce livret intègre des éléments de psychologie sociale en lien avec les expériences et travaux réalisés avec un laboratoire spécialisé d’Aix, sur le passage à l’acte et l’engagement individuel. Ainsi, en plus de connaissances et de conseils pratiques, le livret invite chacun à réaliser un bilan personnel de ses habitudes et offre la possibilité de prendre un engagement concret en faisant évoluer un de ses comportements.

Diminuer l’impact. Comment diminuer l’impact environnemental d’une telle activité ? À Cassis, la fréquentation instantanée est maîtrisée par le biais du nombre d’outils d’animation mis à disposition des visiteurs. Il n’y a en effet que peu d’intérêt à aller sur site sans le guide immergeable. Par ailleurs, les aménagements sont constitués par de simples bouées station fixées sur ancrage écologique. Les documents ont été imprimés sous un label Imprimvert.
Sans oublier que le CPIE a réalisé un diagnostic environnemental préalable visant à préciser la localisation du site de pratique en fonction de la fragilité des espaces. Cette réflexion a été conduite avec des acteurs locaux (club de plongée, pêcheurs, gestionnaires du site…).
En 2008, le « Guide méthodologique et technique des sentiers sous-marins » a vu le jour pour faire le point et répondre aux questions des candidats à une telle expérience.