Hyères (Var)

Plongées sous la mer avec une classe de cinquième

 

Espaces naturels n°35 - juillet 2011

Pédagogie - Animation

Jérome Chodat
Professeur de technologie
Cécile Gaudumet
Professeure de mathématiques
 

Le projet veut former des éco-citoyens soucieux de la fragilité du monde. Mené par des professeurs du collège Marcel-Rivière à Hyères (Var), il embarque, depuis deux ans, une classe entière pour découvrir le milieu sous-marin.

Comment sensibiliser nos élèves à la fragilité de l’environnement sous-marin. Après tout, notre collège jouxte la mer ? À Hyères (Var), les enseignants du collège Marcel-Rivière sont sûrs d’une chose : travailler à cette prise de conscience va les obliger à sortir de leur classe. Ici, les enfants vivent en zone d’éducation prioritaire et n’ont guère plus de treize ans, et, dans le domaine de l’éducation au développement durable, l’approche livresque et la pédagogie du savoir sont certes essentielles mais non suffisantes. Alors comment s’y prendre ?
Les professeurs peuvent compter sur l’appui de nombreuses structures militantes pour la préservation du milieu sous-marin. Le Parc national de Port-Cros, notamment, avec lequel le collège travaille depuis plusieurs années. Idem pour Espace mer, organisme privé et club de plongée, partenaire de la Fédération française d’études et de sports sous-marins (FFESSM).
Ils savent aussi qu’un tel projet nécessite l’enthousiasme et l’adhésion des enfants. Et que, nécessairement, il prendra plus d’une année scolaire. Deux certainement.
La rentrée scolaire 2009 prend le tournant. Les cours de vingt-cinq jeunes élèves de cinquième deviennent thématiques : « L’environnement sous-marin méditerranéen, de sa découverte à sa préservation. »

Le jour où ils ont plongé. Palmes au pied. Tuba au front. Empreintes d’orteils sur le sable... l’eau qui dégouline le long des jambes jaspées et chair de poule. Certains s’ébrouent, le verbe haut, le commentaire enthousiaste. Ils rentrent d’une sortie sur l’île de Port-Cros. En ce jour de septembre où le soleil est tiède, le groupe vient de découvrir le sentier sous-marin.
Sur le bateau du retour, les questions fusent. Nombre d’entre elles tournent autour de la fragilité du milieu. Les enseignants échangent un regard heureux. Ils sont en train, ils le savent, de gagner la partie : les enfants sont conquis.
Il faut dire que depuis un an, les professeurs multiplient les cours sur les cétacés en Méditerranée, les interventions d’agents du parc sur l’importance de l’herbier de posidonie, les rencontres avec des pêcheurs professionnels qui parlent de leurs difficultés face à la mondialisation des ressources, les sorties au cinéma pour visionner « Voyage sous les mers » ou « Océans ».
Les élèves ont même construit un diaporama et une exposition relatant leurs recherches afin de faire partager leur prise de conscience et sensibiliser d’autres citoyens à cette problématique.
C’est après quasiment une année de travail théorique qu’est née l’envie d’aller, sous l’eau, voir ce qui les avait passionnés. Seuls deux enfants avaient déjà pratiqué la plongée sous-marine.
Aussi, quand en juin, l’opportunité d’un baptême de plongée s’est présentée, le bonheur en classe était palpable.
C’est motivée par l’envie de nouvelles plongées et de nouvelles explorations du milieu sous-marin qu’unanimement la classe se prononce pour poursuivre et approfondir le projet l’année scolaire à venir.

Un an de plus. Le début de la seconde année scolaire (septembre 2010) voit des enfants volontaires et curieux ; désireux de faire avancer leur thème de recherche : « Quels sont les impacts de l’Homme sur l’environnement sous-marin ? Quels sont les moyens mis en œuvre par l’Homme pour préserver ce milieu ? Quel est l’intérêt des parcs nationaux ? Et, à plus petite échelle, quel est l’intérêt des sentiers sous-marins ? »
Au vu de l’engouement général pour la pratique de la plongée, cette deuxième année scolaire commence tout naturellement en retournant plonger, profitant ainsi des derniers rayons du soleil et de la température agréable de l’eau. La FFESSM leur propose alors de préparer le passage du niveau 1 de plongée.
Séances en classe, sorties et découvertes rythment l’année : comme la visite du musée de la plongée ou celle du site de l’Ifremer à La-Seyne-sur-mer. Mais, surtout, cette deuxième année s’oriente vers un axe plus pratique à travers lequel les enseignants visent aussi la cohésion et l’esprit de groupe. La pratique de la plongée demande en effet une responsabilisation et une confiance mutuelle que la classe possède aujourd’hui.
Les enseignants avouent que cette pédagogie active réclame plus de travail qu’un classique cours en classe. Disponibilité, imagination, écoute… sans compter qu’il faut accepter de se laisser remettre en cause par d’autres partenaires non empreints de la logique « Éducation nationale ». Mais le jeu vaut plus que la chandelle, pour les profs comme pour les gamins.
Revers de la médaille : la cohésion de groupe, forte, très forte… Elle a pu s’avérer gênante quand la classe parfois a fait bloc, se montrant très solidaire face à des conflits individuels en classe.
Mais au final : quelle aventure humaine ! Il faut croire que l’on récolte au-delà de ce que l’on sème.