Un prix pour la nature ?

 

Espaces naturels n°25 - janvier 2009

Édito

Christophe Lefebvre
Conseiller régional Europe de l’Ouest au conseil de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Personne n’a jamais contesté les services sociaux et culturels rendus par la nature. Pour autant, vouloir calculer l’équivalent monétaire de ses services est sujet à polémiques au sein de l’orthodoxie naturaliste.
Considérer la nature sous un angle économique est pourtant un risque à prendre et même une opportunité à saisir.
L’économie structure profondément notre société. Vouloir s’en abstraire en cette période de doute économique serait une erreur manifeste. Faire apparaître la valeur économique de la nature, ce n’est pas sacrifier sa valeur émotionnelle et de passion. C’est, a contrario, lui reconnaître sa place dans l’élaboration de l’économie du développement durable : une nouvelle économie pleine d’espoirs pour les environnementalistes et naturalistes que nous sommes.
Lorsque l’on tente de calculer l’équivalent « monétaire » d’un espace naturel protégé, et surtout sa plus-value économique, le premier réflexe est de comparer les coûts engendrés par la protection et la gestion de l’espace naturel protégé aux recettes directes apportées par le tourisme ou les activités de loisirs induits par la présence de ce même espace protégé. Inutile de le dire : ce calcul ne sert pas notre démonstration.
Je vous propose donc de porter plus loin ce raisonnement économique.
L’exemple des zones humides est des plus démonstratifs. Qu’elles soient de surface, souterraines ou solides (glaciers), les zones humides jouent un rôle fondamental dans la ressource, la régulation, le stockage et l’assainissement de l’eau. Elles sont à la fois les reins de la planète et l’essence d’une production biotique majeure. Les zones humides fournissent de façon pérenne la matière de l’eau essentielle au développement de la forêt exploitable, de l’agriculture permanente, des besoins urbains croissants ou de l’industrie fortement consommatrice d’eau.
Mais qui s’en rend compte ? Qui imagine la valeur économique que ces fonctions sous-tendent en période d’étiage ou de sécheresse ? Chiffrer la valeur économique de ces zones humides, c’est déjà chiffrer l’équivalent de la perte économique qui résulterait de leur simple absence. Mais bien plus encore puisqu’il faut y ajouter la valeur potentielle liée au développement croissant de ces mêmes activités qui serait impossible sans leur présence.
L’avantage essentiel de cette démarche de valorisation monétaire est d’apporter la révélation, y compris aux yeux de ses propres gestionnaires, que la nature est très largement sous-évaluée et, à cette fin, d’interroger la société sur le prix qu’elle est prête à y mettre en proportion des services qu’elle rend.

christophe.lefebvre@aires-marines.fr