Programme d'actions

Le râle des genêts sous protection renforcée

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Gestion patrimoniale

Anne Vallade, coordinatrice de programme Life

L’indispensable contribution des exploitants agricoles dans la conservation du râle des genêts se vérifie aussi bien dans le Life que dans le PNA qui lui sont consacrés. Nécessairement impliqué en tant que sentinelle et acteur fondamental du milieu, l’agriculteur est au coeur du dispositif mis en place.

Râle des genêts

Râle des genêts © L.-M. Préau

Après avoir disparu des principales vallées alluviales françaises, le « roi des cailles », migrateur au long-cours, est aujourd’hui menacé de disparition en France. Depuis les premiers comptages nationaux, les effectifs n’ont cessé de s’effondrer, passant d’un peu moins de 3 000 au milieu des années 1970 à seulement 300 en 2014… une perte de 90 % en près d’un demi-siècle !

Afin d’enrayer ce déclin, un programme européen Life+ Nature dédié au râle des genêts coordonné par la LPO France a été mis en oeuvre en Anjou, en Picardie et en Charente-Maritimeet arrive à son terme fin 2015. Pendant plus de quatre ans, le Life aura appliqué les mesures préconisées dans l’ancien PNA (2005-2009) et testé des actions novatrices, d’ores et déjà relayées par le nouveau PNA dédié à l’espèce (2013-2018).

FAIRE ÉVOLUER LES MENTALITÉS

En tant que premiers gestionnaires du milieu, les exploitants agricoles font figure de protagonistes de la préservation du râle des genêts. Ils sont donc au coeur du dispositif mis en place par le programme Life, qui poursuit un double enjeu : faire évoluer la réglementation, et faire évoluer les mentalités.
Depuis le début des années 1990, le sort des dernières populations de râle des genêts est largement dépendant des MAE (mesures agri-environnementales). Les MAE sont des mesures volontaires souscrites par les agriculteurs qui s'engagent à respecter un cahier des charges en contrepartie d'une rémunération. Or l’évolution des effectifs de râle des genêts met en évidence, outre l’insuffisance générale de volonté politique en matière de préservation des espèces, la faiblesse intrinsèque des MAE. En effet, celles-ci reposent non seulement sur le consentement des exploitants qui peuvent donc les refuser librement, mais également sur des cahiers des charges résultant de compromis locauxentre intérêts économiques et environnementaux, faisant parfois fi de l’urgence à agir.

Afin d’atténuer les conséquences de tels écueils, la LPO France, la LPO Anjouet le CEN Picardie ont activement contribué à la réforme de la PAC, notamment grâce à des connaissances compilées et acquises dans le cadre du Life. En particulier, la mesure « bande refuge » (maintien d’une bande non fauchée) figure désormais au titre des engagements unitaires, c’est-à-dire dans la déclinaison nationale de la PAC. Sur le terrain, d’ambitieuses actions d’acquisition et de gestion ont été menées. Au terme du programme, ce sont ainsi 60 hectares supplémentaires qui seront définitivement affectés à la préservation du râle des genêts, et plus de 700 hectares qui auront été réhabilités afin d’optimiser l’accueil de l’espèce dans nos vallées alluviales.

UNE DÉMARCHE DURABLE DE RESPONSABILISATION

S’ils ont été longtemps considérés comme responsables du déclin de l’espèce, les exploitants apparaissent aujourd’hui comme la clé fondamentale de sa réhabilitation. C’est la raison pour laquelle les partenaires du Life ont souhaité les accompagner dans une démarche durable de responsabilisation. Un partenariat étroit s’est ainsi noué entre agriculteurs et équipes du programme, au rythme de leurs contraintes respectives. Alors que les uns s’affairent sur le terrain à la recherche des mâles chanteurs, les autres acceptent – ou non – de retarder leur fauche pour laisser une chance d’envol aux nichées repérées. De même, et pour la première fois en France, les exploitants ont pu utiliser des barres d’effarouchement, visant à faire fuir la faune (et spécialement le râle des genêts) avant qu’elle ne soit happée par la faucheuse. Force est de constater qu’une grande majorité d’entre eux a accepté son utilisation avec bienveillance, et en envisage une utilisation autonome après la fin du programme.

Plus largement, le Life a permis de valoriser les actions, souvent peu contraignantes à mettre en oeuvre, pour protéger les individus qui persistent à venir se reproduire dans nos prairies de fauche : retard de fauche, réduction de la vitesse de fauche, pratique de la « fauche sympa » (du centre vers l’extérieur), maintien de bandes refuge, barres d’effarouchement, etc. sont désormais compilées dans un guide de bonnes pratiques très largement diffusé.

 

Finalement, de nombreux professionnels ont pris conscience de l’état critique dans lequel se trouve l’espèce, et du rôle essentiel qui est le leur pour inverser la courbe inquiétante de ses effectifs. Le Life peut ainsi s’enorgueillird'être à l'origine de l'association d’éleveurs picards Agriculture - Environnement Vallée de L'Oise dont l’objet est la valorisation du foin produit dans le respect du râle des genêts, et d’avoir permis le développement de l’association d’éleveurs angevins pionnière en la matière : « l’Éleveur et l’Oiseau ».
La disparition programmée de l’espèce continuera naturellement à susciter la mobilisation de tous ceux qui ne s’y résignent pas. Mais l’avenir du râle des genêts est aujourd’hui aussi et surtout entre les mains des décideurs politiques et des exploitants.