Jumelage

S’entraider par-delà l’Atlantique

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

Aménagement - Gouvernance

Marjorie Jouglet
Antenne de Saint-Pierre-et-Miquelon
Sandrine Vasseur
Délégation Normandie

Accompagner la mise en place de la gestion sur un site nouvellement acquis par le Conservatoire du littoral en créant du lien avec un autre territoire déjà opérationnel a été le principal objectif du jumelage entre les deux sites. Plutôt que des échanges informels, la constitution d'un véritable jumelage a permis de pérenniser la démarche et d'obtenir des financements pour en garantir la dynamique.

Premiers échanges en août 2008 dans la Manche © Conservatoire du littoral - A. Bonis

L’idée d’un jumelage entre sites naturels du Conservatoire du littoral situés de part et d’autre de l’Atlantique est venue en réponse à l’isolement géographique de l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon par rapport au réseau de sites du Conservatoire du littoral, et pour appuyer la mise en place d’une gestion de site naturel qui n’existait pas avant l’intervention du Conservatoire du littoral. À ce moment-là, en 2005, le SyMEL (Syndicat Mixte des Espaces Littoraux de la Manche) bénéficiait par contre déjà d’une expérience de gestion de sites de près de 20 ans.

Les échanges auraient donc pu être à sens unique : principalement profitables au nouveau gestionnaire d'outre-Atlantique. Mais pour la métropole et le garde Yann Mouchel, c'était aussi l'occasion d'expérimenter des méthodes de gestion, car l’isthme de Miquelon-Langlade, est très similaire en termes géographiques. Par ailleurs, des liens historiques et administratifs sont forts avec la Basse-Normandie, et notamment le département de la Manche. Le jumelage entre sites naturels avec les Dunes d’Hatainville, gérées par le SyMEL, est ainsi né. Outre l’aspect technique de la gestion des espaces naturels, au fur et à mesure du montage du projet, deux objectifs complémentaires sont apparus : rapprocher les instances politiques et décisionnelles des deux territoires (Conseil général de la Manche et Conseil territorial de Saint-Pierre et Miquelon), et organiser un échange scolaire entre deux collèges impliqués sur les sites (Saint-Pierre et Portbail).

Au-delà de simples échanges, la volonté a été de cadrer le travail commun et de l'ancrer dans la durée. D'où la formalisation d'un jumelage, concrétisé en 2009 par la signature d’une convention dressant une liste d’objectifs pour 4 années : organisation de rencontres annuelles entre gestionnaires et usagers, échanges dématérialisés d’expériences et de documents, travail scolaire en commun… Sur la base de cette programmation, il a été possible (et nécessaire) de prévoir des financements dès le départ avec les partenaires (le conseil territorial de Saint-Pierre et Miquelon, la commune de Miquelon-Langlade, le conseil général de la Manche et le Conservatoire du littoral). Un des partenaires avait en charge la gestion comptable du budget.

DES THÈMES COMMUNS COMME L’ÉROSION LITTORALE

De 2009 à 2012, le jumelage entre l’Isthme de Miquelon-Langlade et les Dunes d’Hatainville s’est concrétisé par des échanges physiques lors de plusieurs rencontres entre personnes politiques, gestionnaires et usagers des sites du Conservatoire du littoral. Ces rencontres ont eu lieu à l’occasion d’événements divers : un séminaire sur l’érosion littorale organisé à Miquelon- Langlade pendant les rencontres anniversaire du jumelage entre les Iles de la Madeleine (Québec) et Miquelon- Langlade, et une rencontre dans la Manche pour la signature d’un jumelage à l’occasion d’un autre anniversaire entre les deux précédents partenaires et un troisième : le département de la Manche, par ailleurs déjà lié aux Iles de la Madeleine. Par la suite, un compagnonnage entre le garde du littoral de chacun des sites a eu lieu, permettant deux sessions de deux semaines d’échanges et de partages sur le terrain de chaque site.

Ces rencontres ont également tenté d’impulser une dynamique entre deux établissements scolaires du territoire de la Manche et de Saint-Pierre et Miquelon. Ceux-ci ont été dotés de matériel de visioconférence mais cette dimension du jumelage n’a pu être développée. Les coûts et durées des déplacements entre Saint-Pierre et Miquelon et la métropole (nécessité d’emprunter plusieurs vols avec des correspondances plus ou moins longues) ont limité les rencontres.

C’est pourquoi la mutualisation de ces déplacements avec d’autres événements (formations, séminaires, anniversaires…) a été indispensable. L’objectif d’une rencontre annuelle n’a pourtant pas été atteint puisque les échanges ont eu lieu en 2009 (deux rencontres) et en 2011 (deux rencontres). Ces rencontres physiques ponctuelles dynamisent des échanges techniques dématérialisés qui ont eu lieu tout au long du jumelage, en fonction des besoins de chacun des partenaires. Portant sur la gestion (plans de gestion, conventions…), les techniques pédagogiques, d’interprétation ou sur la signalétique, les techniques ou les productions ont été partagées, soit au moment de leur élaboration, soit après leur finalisation, pour nourrir la réflexion sur les techniques et moyens d’agir des deux partenaires (gardes du littoral, chargés de mission du Conservatoire du littoral). C’est à la fois un échange de savoir-faire et un partage de retours d’expériences. Des articles sur cette collaboration ont également été publiés dans des journaux ou revues locaux ou sur des sites internet, et un blog a été créé par les gardes du littoral pour informer les populations des échanges qui ont eu lieu sur leur territoire et les inviter à découvrir d’autres sites, semblables, par certains aspects, à ce qui est connu localement.

LES ÉCHANGES, DÉBUTÉS AUTOUR DE LA GESTION, ÉLARGISSENT LEURS CHAMPS

Les échanges ont apporté beaucoup à la gestion de chaque site : d’une part, la mutualisation des expériences passées à Hatainville a contribué à former le nouveau garde du littoral et à lancer la gestion à Miquelon ; d’autre part, ils ont permis de mettre en évidence le chemin parcouru depuis 30 ans dans les dunes d’Hatainville et de dresser le bilan des expériences passées. De nombreux contacts se sont créés entre les deux territoires, notamment au niveau politique, rapprochant Miquelon de la métropole, et élargissant les champs des échanges.
Cependant, un tel projet implique de mobiliser des financements réguliers, et le soutien politique au projet s’avère indispensable pour le pérenniser. De plus, il est difficile de maintenir la régularité de ces échanges, puisque chaque agent est tourné vers la gestion de son site : un quotidien dans lequel le partenaire n’a pas de présence physique. C’est seulement le besoin d’échanger sur un objet concret qui va impulser un nouvel échange. Tout repose sur la personnalité des agents concernés et leur volonté de poursuivre le dispositif en s’impliquant.

Pour un jumelage vivant permettant des échanges et des partages efficaces, il est nécessaire de prévoir une planification précise des rencontres physiques sur la totalité de la durée du jumelage (de manière annuelle), tenant compte des activités annexes ou connexes qui pourraient s’articuler autour de ces rendez- vous importants et indispensables à la vie du jumelage. Les échanges téléphoniques doivent être programmés pour tenir compte de la réalité de la gestion quotidienne des sites. Les échanges de documents doivent être systématiques (bilan d’un chantier d’insertion, plaquettes d’information sur une espèce animale, événements sur le site…) : ils sont le support de l’échange ou l’outil recherché.

La multiplication des projets avec des partenaires différents peut être un moyen supplémentaire de faire vivre ce jumelage dans la durée. Une prochaine perspective en ce qui concerne ces deux sites est de travailler en partenariat avec les écoles primaires de chaque territoire sur un programme pluriannuel d’actions (sorties sur le terrain, intervention des gestionnaires en classe, développement de projets communs…). Le jumelage s’ancrera plus encore dans la dynamique du territoire et contribuera à sa préservation grâce à un volet éducation à l’environnement.